Interview du général de brigade Bruno GARDY, délégué interarmées des réserves (DIAR)

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Le 05 décembre 2022Très honorée et heureuse de rencontrer le général de brigade Bruno GARDY, délégué interarmées des réserves (DIAR). Un entretien sérieux suivi d’un déjeuner informel sympathique à Balard, puis d’une visite à l’École militaire lors d’un événement des réserves des armées. Une belle manière de comprendre l’histoire, les actualités et projets des réserves des armées tout en découvrant plus avant le parcours et le tempérament de son chef ! 

Bonjour Bruno,
Quelles sont les actualités des réserves des armées ?

En préambule, il est important non pas de dire d’où nous partons mais dans quelle situation nous sommes aujourd’hui.

Les réserves des armées datent de la suspension du service national en 1999, en tout cas la forme dans laquelle nous sommes aujourd’hui. Actuellement, nous sommes en pleine réflexion pour que nous bâtissions un grand projet.

Nous sommes dans une phase de conception, de réflexion et d’ouverture au maximum de façon à pouvoir travailler en communion avec tous les acteurs qui participent à cette réserve.

Les actualités sont d’abord politiques puisque nous avons eu une annonce importante à la fois du candidat Emmanuel MACRON pendant sa campagne et qui s’est concrétisée lors de son discours du 13 juillet à l’hôtel de Brienne en annonçant clairement la volonté du doublement des réserves opérationnelles des armées. Une confirmation que nous attendions avec impatience, c’était important à entendre.
Un discours reprit depuis la rentrée, fin août-début septembre, par le ministre des Armées qui en a fait un sujet politique important au sein de son ministère et du gouvernement. Le doublement de la réserve est aujourd’hui une des politiques prioritaires du gouvernement.

Donc l’actualité c’est refondre notre système en profitant de ce doublement que l’on nous offre. Refondre notre système en profondeur qui était jusqu’ici un peu figé.

Quel est l’objectif du nombre de réservistes ?

Jusqu’en 2015, nous avions une réserve plutôt attachée à nos unités, dans un rôle de complément opérationnel.
Suite aux attentats de 2015, la décision a été prise à la fois de créer la Garde nationale mais également de monter en puissance les effectifs des armées.
Donc on nous a demandé de faire cette montée en puissance assez rapide de 2016 à 2020, de monter de 24 000 à 40 000 réservistes des armées répartis en aviateurs, terriens, marins. C’était un premier objectif quantitatif avec une réussite en 2020 puisque nous avions atteint l’objectif qui était fixé.

Aujourd’hui nous avons un double objectif.
D’abord, un nouvel objectif quantitatif et aussi une meilleure qualité de notre réserve, sans jugement de ce que nous avons aujourd’hui, d’un système figé, pressé par le temps.
Aujourd’hui nous allons chercher la meilleure adéquation possible entre les compétences et les envies des citoyens français.

Vous évoquez les réservistes des armées. S’agit-il des réservistes opérationnels et citoyens ?

Les choses sont très bien définies dans le code de la Défense.

On a une réserve opérationnelle composée d’une réserve militaire à 2 volets, la 1e réserve opérationnelle, qui travaille tous les jours à nos côtés, et une réserve de disponibilité qui regroupe tous les militaires d’active qui quittent le service pendant 5 ans ; et de la réserve citoyenne composée de civils bénévoles.

C’est ainsi que c’est décrit, c’est ainsi que cela vit. C’est vraiment notre réalité.
On a ces différents types de réserves, de réservistes : 1 au service opérationnel et 1 en civil mais qui porte la voix, qui porte les sujets au sein de la réserve citoyenne.

Les réservistes opérationnels peuvent-ils être amenés à quitter le territoire français dans le cadre de leurs missions ?

Oui, ils le peuvent et cela depuis longtemps.

C’est ce que l’on souhaite développer aujourd’hui, avoir davantage de réservistes opérationnels en opex tout en conservant des réservistes en mission intérieure, comme l’opération Sentinelle.

Est-ce une condition d’inscription dans la réserve opérationnelle des armées que d’accepter de partir en opex ?

On n’aborde pas les choses de cette manière.

On oriente le citoyen en fonction de ce qu’il demande et c’est ce que nous souhaitons aujourd’hui, être au plus près des aspirations de jeunes et des moins jeunes qui rejoignent la réserve.
Etre plus proche de leurs aptitudes physiques, de leurs disponibilités.
On va passer d’une couture classique à de la haute couture pour individualiser le parcours.

Quelle est la tranche d’âge pour rejoindre la réserve opérationnelle des armées ? et la réserve citoyenne ?

L’âge minimum est de 17 ans  et l’âge maximum est différent selon les grades. C’est d’ailleurs un sujet dont nous débattons en ce moment.

Il n’y a pas de critère d’âge pour rejoindre la réserve citoyenne.

Il serait pertinent de compléter le fonctionnement de la réserve des armées jusqu’en 2022

Historiquement, il y a trois types de personnes qui servent dans la réserve des armées.

Le premier type est naturellement le jeune qui a envie de donner du temps à son pays et qui peut le donner, il rejoint la réserve. C’est celui sur lequel on compte le plus demain.

Le second type est l’ancien militaire qui peut faire 5 ans de plus en intégrant la réserve, nous en avons un certain nombre et qui ont des compétences apprises chez nous, indispensables.

Le troisième type est celui qui a fait son service militaire il y a fort longtemps et qui est resté chez nous pendant 20 ans, même 30 ans en tant réserviste. Il va être amené à disparaître puisqu’il prend de l’âge.

Avez-vous des projets à développer ?

Des projets, j’en ai énormément.
Je voudrais que les choses évoluent réellement et en profondeur.

Le premier point est que chaque armée aura son propre projet, c’est important.
Et chaque service devra avoir la réserve qui lui convient.

Le COMCYBER par exemple a besoin d’une réserve très différente des autres. Les réservistes intéressés n’ont pas besoin de formation, ils peuvent être embauchés directement avec leurs compétences, avec en complément une acculturation militaire.

Je pense à un femme chasseur de tête qui a décidé de donner de son temps aux armées en nous aidant à recruter pour le COMCYBER. Ce qu’elle fait tous les jours dans son métier, elle le fait aussi comme réserviste des armées.

L’idée est d’adapter nos ressources aux besoins réels du poste occupé.
De faire preuve d’agilité, une notion très importante aujourd’hui. L’agilité n’est pas confortable mais néanmoins indispensable pour une réserve des armées efficace.

Votre parcours professionnel est très riche … des marqueurs sont-ils à retenir ?

Sur mon parcours, la première pierre est Emmanuelle, ma femme.
Nous nous sommes rencontrés très jeunes, en classe de seconde en Allemagne lorsque nos parents étaient militaires.

J’ai fait Saint-Cyr, je suis scientifique de formation. A Saint-Cyr, j’ai vécu une expérience formidable avec des amis pour la vie. Plus jeune mon papa avait des mutations qui m’empêchaient de développer mes amitiés.

Le second marqueur est lorsque je suis devenu chasseur alpin. J’aimais la montagne et je ne savais pas à quel point elle allait me nourrir. J’ai eu la chance d’être intégré comme chasseur alpin à Bourg Saint Maurice et d’y passer 12 ans sur mes 20 ans de carrière opérationnelle.
C’est un marqueur très important, mes cadres m’ont vu grandir avec mes qualités et mes défauts. Je les ai vu grandir aussi et on se retrouve avec autant de plaisir après tant d’années.
La montagne est dimensionnante, on se retrouve tout petit face aux éléments, cela appelle à beaucoup d’humilité. Je retrouve la même chose avec mes amis marins, l’humilité devant cette immensité.

Un autre marqueur important est lié à mes années parisiennes, j’ai eu la chance de faire beaucoup de transformation. C’est un métier que je n’imaginais pas.
J’ai fait de la transformation pendant des années à l’état-major de l’armée de terre, c’était passionnant.

Ensuite, j’ai été à la direction du renseignement militaire. Je ne m’étendrais pas sur ce sujet mais j’ai fait la transformation numérique de la direction, une mission passionnante.

Et là, je suis plongé dans une grande transformation du modèle de la réserve des armées et même au-delà puisque mon emploi touche à tout ce qui est réserve et jeunesse.
Je pense au SNU, le Service national universel, et tous les liens que l’on peut tisser. Le vrai terme est Cohésion nationale.
C’est le premier axe du chef d’état-major des armées et je travaille sur l’ensemble de ce premier axe de Cohésion nationale.

Souhaitez-vous exprimer des messages auprès des jeunes aujourd’hui ?

D’abord les jeunes, c’est notre avenir.

On a réellement besoin d’eux.

Je me souviens en 1991 lorsque je suis arrivé comme lieutenant dans mon bataillon de chasseur alpin, nous avions des appelés, ils étaient d’une richesse humaine incroyable. Et d’avoir perdu le service national nous a éloignés des jeunes.
Il nous faut à tout prix renouer des liens avec eux via l’Éducation nationale, les entreprises … et la réserve bien évidemment.

Ce que je souhaite dire à nos jeunes c’est de venir faire une expérience d’engagement quelle qu’elle soit au service du pays, par l’intermédiaire du SNU expérimenté jusqu’à aujourd’hui, et qui devrait se généraliser en 2023. Dans ce parcours, les jeunes pourront rejoindrela réserve des armées et ainsi découvrir la vie en collectivité, une cohésion assez incroyable, et puis une famille.
J’ai ma famille avec mon épouse et mes enfants et j’ai ma grande famille militaire, où chacun dans sa section est dans sa famille. C’est quelque chose d’essentiel.

Je pense aussi que les jeunes ont besoin de se dépenser. Je ne sais pas si c’est un effet du confinement, il y a un retour aux activités sportives. Chez nous, il y a cette occasion de se dépenser collectivement et il est vrai que nous allons plus loin lorsque nous sommes nombreux.
Se dépasser collectivement est quelque chose de fort.

Un jeune de 18 ans peut intégrer la réserve pendant ses années d’étude, puis avoir une pause parce que la famille et l’engagement professionnel deviennent une priorité, tout en restant chez nous, et revenir avec des compétences acquises en parallèle. Chaque jeune a un contrat sur-mesure de manière à le garder dans le temps.

Que pourriez-vous dire aux jeunes filles qui n’osent pas rejoindre la réserve des armées ?

C’est une question un peu difficile car chaque jeune fille est différente.

Les militaires sont attachées à la fois à cette exigence de performance et aussi au fait que chacun va progresser dans la force du groupe. C’est vrai pour un garçon et pour une fille.
Et donc chacun va réellement progresser sachant que nous sommes très attachés à ce principe d’égalité qui n’est ni politique, ni humaniste, c’est un principe opérationnel.

Lorsque je suis parti en Afghanistan, j’avais des médecins hommes et des médecins femmes, des infirmières et lorsqu’une médecin femme ne pouvait pas faire quelque chose parce qu’elle était trop menue par exemple, il y avait toujours une main tendue qui l’aidait à passer les obstacles.
Les femmes ont leur place sur le terrain. Les intelligences sont différentes et se complètent. C’est ainsi que j’ai remis un galon à une femme militaire, en fin de formation, car elle avait terminé 1ere, devant tous les hommes.

Votre agenda est actuellement très contraint, avez-vous le temps de vous adonner à vos passions ?

Je fais le plus de sport possible parce qu’il est nécessaire à mon équilibre.

Ma passion est le ski de randonnée depuis que j’ai débuté dans mon bataillon de chasseurs alpins.
J’ai chaussé des skis avec des peaux de phoque, je ne savais pas que cela existait et j’ai découvert les paysages, la tranquillité dans des lieux vierges de tout passage, faire sa trace à la montée comme à la descente, et on profite d’une vue incroyable.
J’ai vraiment cette passion, avec l’âge j’en fais moins, je pratique avec plus de raison et puis je suis un peu contraint comme parisien (sourire).

Je fais aussi beaucoup de course à pied, du vélo de route en montagne.
J’aime gravir le Mont Ventoux ! J’ai emmené mon premier gendre, même le second gendre et le troisième gendre me tanne ! (rire) Je vais l’emmener afin de faire cet effort avec lui.
C’est aussi un moyen de partager un rythme inhabituel par rapport à nos activités professionnelles. C’est important pour moi et aussi de le faire en famille.

Et puis après j’ai tout une pile de livres que je reçois pendant les fêtes et dans l’année qui m’attend. Je ferai cela lorsque j’aurai plus de temps et de sagesse pour me poser (sourire).

 

Un remerciement appuyé Bruno pour votre accueil à Balard et l’École militaire, nos échanges sur des sujets qui font l’actualité, votre confiance et sincérité sur les sujets personnels. Je vous souhaite une pleine réussite et ne peut qu’encourager les citoyens à rejoindre les réserves des armées !


Note importante : il est strictement interdit de copier tout ou partie de l’article

 

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