Interview de Sébastien Possemé, chef de la brigade numérique de la gendarmerie nationale

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Le 02 septembre 2022 – Une période numérique pour Miss Konfidentielle ! Suite à la Tribune de Xavier Leonetti et Christiane Féral-Schuhl et l’interview de Jérome Notin cet été sur les sujets de cybersécurité, je suis heureuse de mettre à l’honneur le capitaine Sébastien Possemé, chef de la brigade numérique de la Gendarmerie nationale. Une interview sur la brigade numérique (BNUM), première unité d’échanges en ligne créée en France dont la couverture territoriale est le cyberespace, complétée d’une touche personnelle bien sympathique ! 


Bonjour Sébastien,

Quelles sont vos missions aujourd’hui ?

Depuis le 1er août 2020, je commande la brigade numérique de la gendarmerie nationale implantée à RENNES en Bretagne.

Avant tout, je souhaite expliquer en quoi consiste cette structure d’un nouveau genre, unique en gendarmerie.

Inaugurée le 27 février 2018, la brigade numérique (BNUM) est la première unité d’échanges en ligne créée en France dont la couverture territoriale est le cyberespace. Elle répond à la volonté de proximité de la gendarmerie nationale avec le citoyen et met en œuvre ce qui est sa priorité : « pour la population, par le gendarme ». Elle a donc vocation à répondre aux sollicitations des personnes, quelles qu’elles soient, sous la forme, uniquement, d’échanges, de dialogues en ligne (tchat).

La brigade numérique est une des composantes de la division de la proximité numérique (DPNUM) du commandement de la gendarmerie dans le cyberespace (COMCYBERGEND).

Brigade numérique – Magendarmerie © Brice Lapointe SIRPAG

Mes fonctions impliquent deux missions importantes qui consistent dans un premier temps à m’assurer du parfait fonctionnement de l’offre de service et de sécurité « Magendarmerie ». Il s’agit de la plateforme qui permet à toute la population ou tout internaute de nous informer de faits, de poser des questions et d’échanger en ligne (par tchat) avec des gendarmes 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 où que que l’on soit, en France métropolitaine, dans les Outre-mer (DROM-COM) ou bien encore à l’étranger. L’accès se fait via la page « ma gendarmerie » du site internet de la gendarmerie nationale et aussi directement de l’application mobile grand public « Ma Sécurité ».

Nous pouvons être saisis pour toutes sortes de situations sur la sécurité du quotidien (démarches administratives, fraudes, escroqueries ..).

Nous travaillons également via cybermalveillance.gouv.fr à destination des entreprises sur les questions de cybersécurité.

Magendarmerie : C’est l’adaptation de la gendarmerie nationale à une société de plus en plus connectée et à une population qui, comme on le sait tous, est omniprésente sur internet et sur les réseaux sociaux.

La prise en compte de ce nouveau territoire garantit une nouvelle proximité avec l’usager. Cette offre de service et de sécurité enrichie permet aujourd’hui de prolonger et renforcer l’action des 3100 brigades territoriales. Comme déjà évoqué, l’objectif final recherché est d’être, par le biais du contact numérique, encore plus proche de la population et d’occuper sans exception toutes les parcelles du territoire.

Brigade numérique – Magendarmerie © Brice Lapointe SIRPAG

Pour ce faire, je commande 32 sous-officiers de gendarmerie, dont 11 femmes, en majorité officiers de police judiciaire. Au quotidien, ils ont quatre missions principales : renseigner, prévenir, orienter et accompagner les citoyens. Nous n’avons pas vocation première à traiter les urgences qui restent de la compétence du 17 ou du 112.

Mon unité permet donc tout simplement à toute personne d’échanger très rapidement et en direct par tchat avec un « vrai » gendarme par écrans interposés (ordinateur, tablette ou téléphone portable) quelle que soit l’heure du jour et de la nuit. Le travail de réponse des opérateurs de la BNum est optimisé grâce à l’utilisation d’un logiciel dédié, et spécifiquement utilisé pour organiser les relations avec les usagers. Il permet de faciliter le contact avec les internautes et le suivi des demandes. A ce jour, cette gestion de la relation usager nous a permis de traiter pas loin de 655 000 sollicitations.

Ma deuxième mission, qui n’est pas des moindres, est de garantir pour toute la compétence territoriale de la gendarmerie (95% du territoire national et 52 % de la population française) une parfaite prise en compte des victimes de violences conjugales, sexuelles et sexistes qui ont recours au portail gouvernemental arretonslesviolences.gouv.fr allant jusqu’à l’ouverture d’enquêtes judiciaires.

Portail : Arrêtons les violences arretonslesviolences.gouv.fr : Lancé le 27 novembre 2018, le portail des violences sexuelles et sexistes (PVSS) est une mission sensible de la brigade numérique. National, ce portail permet à toute victime ou témoin de violences conjugales, intrafamiliales, sexuelles et sexistes, après avoir renseigné son code postal, de signaler des faits par tchat 24/7. Une discussion interactive s’engage alors et permet un échange individualisé avec un gendarme qui est spécifiquement formé à ce type de signalements et à la prise en charge et l’accompagnement des victimes.

Priorité gouvernementale, nous apportons la plus grande attention à tous ces signalements en ligne du fait de la nature et la gravité des faits dénoncés. Peu connue dans ses débuts, la plate-forme est désormais plus facilement identifiée et utilisée. Le volume de signalements provenant du portail VSS a en effet plus que doublé au cours de la crise sanitaire et en particulier lors des périodes de confinement.

Brigade numérique – Arretonslesviolences.gouv.fr © Brigade numérique

Mes opérateurs sont amenés, dans le cadre de ce contentieux, à rassurer, informer, guider les victimes pour les aider à dépasser leurs peurs, leurs «blocages» (déni de violences, préjugés, honte…) et à accepter de se présenter devant un enquêteur du lieu de leur choix. L’expertise de mes gendarmes en la matière, leur maîtrise des techniques de questionnement à distance, leur expérience professionnelle (au moins 8 ans d’exercice en unité de sécurité publique), leur qualité d’officier de police judiciaire ajoutées à leur formation spécifique, leur permettent d’être le trait d’union entre la victime et l’enquêteur, facilitant ainsi la prise en compte de la victime, des faits et l’identification du ou des auteurs.

Depuis la mise en place du portail, nous avons déjà traité plus de 13 000 signalements de violences en ligne qui ont donné lieu à la rédaction par mes gendarmes de 5000 procès-verbaux d’enquête judiciaire. Depuis peu, nous nous saisissons également des faits de cyberharcèlement et les discriminations.

Interview du chef de la brigade numérique au sujet des violences faites aux femmes © Brigade numérique

Avez-vous des actualités à partager avec les lecteurs ? Des projets ?

Une actualité importante, oui en effet, celle du lancement le 7 mars 2022 de l’application grand public Masécurité. Elle est disponible gratuitement sur les plateformes de téléchargement (Apple store et Google play store).

Plus qu’une application, c’est selon moi, un vrai « couteau suisse » de la sécurité, un outil efficace qui simplifie la vie des gens au quotidien. En la téléchargeant, chaque usager aura accès notamment :

 

  • aux plateformes de démarches administratives en ligne ;
  • à l’ensemble des numéros d’urgence ;
  • aux actualités et notifications locales de sécurité qui concernent l’utilisateur ;
  • à des conseils de sécurité et de prévention suivant les thématiques choisies.Vous pourrez également, directement dans l’application, échanger par tchat 24h/24 et 7j/7 avec un policier ou avec un gendarme de la brigade numérique.

Quels sont vos moteurs ..

Ils sont simples : Donner du sens à notre action et se faire plaisir au travail.

Se dire tous les jours, que nous contribuons à aider, accompagner, protéger voire sauver des personnes est en soi une source de motivation incroyable. C’est cela qui donne du sens à notre action quotidienne, qui conditionne notre engagement pour offrir à la population un service public sur mesure et de qualité.

Pour nous, la meilleure des récompenses est un MERCI. Je me souviens du retour d’une victime de violences qui écrivait ceci « Je tiens à remercier ce gendarme, qui m’a entendue, écoutée et guidée vers des professionnels. Veuillez lui transmettre mes remerciements. Je remercie la gendarmerie française pour son travail et son investissement indispensables pour nous victimes ».

Offrir du plaisir au travail est également pour moi indispensable. Je mets tout en œuvre pour que mes 32 personnels se sentent bien dans leur peau et exécute leur mission dans les meilleures conditions tant dans la relation à l’autre (considération, respect) que sur le plan matériel.

Conditions de travail (poste de travail modulable, ballon d’assise gonflable …) © Brice Lapointe SIRPAG

Prendre plaisir au travail contribue à l’amélioration de notre efficacité et donc, par voie de conséquence, à la qualité de notre offre de service et de sécurité numérique.

Je leur demande à toutes et tous de « s’éclater au travail » !

Avez-vous des messages à faire passer auprès de la jeunesse, de la population, des ministères sur les sujets numériques ?

En effet, je souhaite aborder notamment deux sujets :

En premier lieu, je pense qu’il n’est pas inutile de rappeler à nouveau aux lecteurs l’existence de toutes ces tentatives d’escroquerie en ligne qui ciblent des milliers de français. C’est le cas en particulier de ces campagnes de «phishing» ou « hameçonnage » à la fausse convocation en justice pour pédopornographie et pédophilie.

J’ai moi-même vécu une situation plutôt cocasse. En effet, j’ai personnellement été convoqué en justice pour ces faits et « l’avis d’inculpation », plutôt correctement produit, était signé d’un certain lieutenant Sébastien Possemé, commandant la brigade numérique. Mon identité a été usurpée par ces malfaiteurs.

La vigilance est donc mise face à ce phénomène de masse. Il est important de rappeler que la gendarmerie (ou la police) n’adresse jamais de convocation en justice par courrier électronique. De plus, il est prudent de regarder l’adresse mail de l’expéditeur qui ne correspond en rien à des adresses officielles (@gendarmerie.interieur.gouv.fr ou @interieur.gouv.fr).

Mon message est simple : Ne paniquez pas ! Ne répondez pas ! c’est un mail frauduleux !

Un autre thème me tient à cœur, celui du cyberharcèlement, cette forme de violences qui s’invite de plus en plus dans nos vies et pour ne pas dire qui détruit de plus en plus de vies.

L’émergence d’internet a beaucoup fait évoluer notre société mais a également apporté son lot de complications et de désarrois. Parmi eux, un véritable fléau, le cyberharcèlement. C’est un sujet important car ce phénomène gangrène notre société. A l’abri de tous les regards, le cyberharcèlement fait de nombreuses victimes chaque jour et dont l’issue pour certaines peut être très grave voire dramatique.

Tout le monde doit y être sensibilisé, pas seulement les victimes. Nous devons tous nous sentir concernés.

Nous en avons tous conscience, notre liberté d’expression, notamment sur les réseaux sociaux, est un droit fondamental qui nous est propre et que nous défendons toutes et tous.

Les règles de vie en société doivent pouvoir s’appliquer dans l’utilisation des outils connectés et dans notre manière de communiquer sur les réseaux sociaux.

Les grandes étapes de votre parcours, quelles sont-elles ?

Admis dans le corps des officiers de la gendarmerie le 1er août 2018, je débute ma carrière en 1995 en qualité de sous-officier. Je sers pendant plus de 24 ans au sein d’unités de gendarmerie départementale implantées dans différentes régions de la métropole et d’Outre-Mer notamment en région Centre-Val de Loire (Neuillé-Pont- Pierre 37, Nogent-le-Rotrou 28), en Martinique (Saint-Joseph, Le François) et en région Bretagne (Cancale, Rennes).

Exerçant au sein d’unités de sécurité publique, j’ai développé au fil des années une appétence particulière pour la police judiciaire, ce qui m’a valu plusieurs détachements en brigades et sections de recherches.

De 2014 à 2016, affecté à la brigade départementale de renseignements et d’identifications judiciaires du groupement de gendarmerie d’Ille-et-Vilaine, je rejoins la cellule de lutte contre le travail illégal et les fraudes et y exerce en qualité d’enquêteur spécialisé (ESTIF).

Au cours de toutes ces années d’exercice, passées en prise directe avec le terrain et la population, je me suis particulièrement engagé dans la lutte contre les atteintes aux personnes et spécifiquement contre les violences conjugales et celles commises plus généralement au sein du huis clos familial.

J’ai traité de nombreuses interventions difficiles tout comme j’ai dirigé des enquêtes judiciaires complexes et humainement éprouvantes. Cette expérience me permet aujourd’hui de parfaitement appréhender le contentieux des violences sous l’angle des signalements à distance. La prise en compte de ces faits sur le terrain nous conduit à agir avec les bons automatismes afin d’apporter secours et aide aux victimes.

En parallèle de tout ceci, et ce depuis de nombreuses années, je porte un grand intérêt au dialogue interne au sein de l’institution. J’ai été élu à différents niveaux de représentation du personnel. J’ai occupé notamment les fonctions de conseiller concertation de troisième niveau de la région de gendarmerie de Bretagne. En somme, j’étais le conseiller social du général commandant la région qui n’était autre que le général de corps d’armée Alain Pidoux, actuel inspecteur général de la gendarmerie nationale. J’animais un réseau de plus d’une centaine de conseillers – élus – répartis aux niveaux des départements et des arrondissements.

Egalement, j’ai siégé en qualité de membre élu au conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG). Ce réseau de la concertation permet de mieux appréhender les préoccupations, les espoirs et les difficultés de tous les militaires de la gendarmerie.

Enfin, toujours en interne, je suis formateur et référent égalité professionnelle et diversité.

Présentation réseau RED Gendarmerie © Région de gendarmerie de Bretagne

Le 1er février 2019, lors de la visite de la secrétaire d’État Marlène Schiappa à la brigade numérique de Rennes, le LTN Possemé lui a présenté le réseau égalité diversité de la gendarmerie © Région de gendarmerie de Bretagne

Le 1er août 2020, j’ai reçu affectation à la brigade numérique de la gendarmerie nationale à RENNES en qualité de commandant d’unité. Enfin, j’ai rejoint le commandement de la gendarmerie dans le Cyberespace (COMCYBERGEND) à sa création le 1er août 2021.

Le numérique vous passionne, d’autres sujets vous animent- ils ? 

Je vis la passion de mon métier, pour lequel je me suis engagé par vocation. L’intensité de mon travail m’impose des moments de ruptures, des pauses.

Né à Vannes (Morbihan) et installé à Cancale (Ille-et-Vilaine), les pieds dans l’eau – parfois fraîche – de cette magnifique côte d’Émeraude, je suis très attaché à mes origines bretonnes et à ma magnifique région (Oui, parfois je manque un peu d’objectivité).

J’adore simplement la nature, sa beauté et son silence. Je ne me lasse pas de la contempler. J’ai ce privilège de vivre dans un écrin somptueux entre terre et mer.

J’aime la marche, les balades bucoliques, parcourir la trace étroite du GR34, le sentier des douaniers qui, à Cancale, offre une vue panoramique sur la baie du Mont-Saint-Michel.

Je complète cette communion avec la nature en pratiquant des activés nautiques telles que le paddle et le Kayak.

Cancale, vue de la baie du Mont-Saint-Michel © Sébastien Possemé

Je suis plutôt sportif. Après avoir pratiqué le football à un niveau intensif, je m’adonne depuis de nombreuses années à la course à pied. Je cours en moyenne 2 fois par semaine en alternant la route et les chemins de ronde. Ayant couru de nombreux semi-marathons et trails, j’ai pris goût aux épreuves plus longues telles que marathons et ultra-trails.

Autrement, j’ai un intérêt particulier pour le dessin et l’art en général. J’aime particulièrement produire des caricatures. Du coup, vous l’avez compris, j’aime le monde de la bande dessinée. Actuellement, je lis BREIZH « Le Peuple indomptable » l’histoire de la Bretagne en BD et je relis « La balade en mer salée » avec un de mes personnages préférés, Corto Maltese.

En lecture plus classique, je parcours actuellement « Cessez d’être gentil, soyez vrai ! » de Thomas D’assembourg.

Posture vacancière de Sébastien Possemé © Sébastien Possemé

Un remerciement Sébastien pour votre implication personnelle dans l’interview qui valorise l’humain au sein de la Gendarmerie nationale, du ministère de l’Intérieur. A bientôt à Rennes, très jolie ville !


Note importante

Il est strictement interdit de copier tout ou partie de l’interview.

Visuel en Une : Capitaine Sébastien Possemé, officier de gendarmerie, chef de la brigade numérique © Brigade numérique

 

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