Interview du GBA Franck MOLLARD, directeur du BEA-É

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Le 13 mars 2023 ✈ Nous sommes à J-1 des 20 ans du BEA-É, le Bureau Enquêtes Accidents pour la sécurité de l’aéronautique d’État, situé sur la Base aérienne 107, Villacoublay (Yvelines).

Souvenez-vous, j’avais publié le 31 août 2021 l’interview de Jérôme Rabier, Le général Jérôme Rabier quittait son poste de directeur du BEA-É et l’institution militaire, puis le 13 novembre 2021, l’article Le métier d’Enquêteurs de Première Information (EPI) avec Emmanuel Sillon et Eric Mortier (BEA-É) publié suite à une formation sur site.

Aujourd’hui, place au Général de brigade aérienne Franck MOLLARD, directeur du BEA-É 

Bonjour général, qu’est-ce que le BEA-É ?

Le BEA-É conduit en toute indépendance, les enquêtes de sécurité au profit des sept autorités d’emplois opérant des aéronefs dans le cadre des missions d’État.

Son champ d’action interministériel permet le partage de la culture de la sécurité des vols avec le ministère des armées, le ministère de l’intérieur et le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Les enquêtes de sécurité aboutissent à la publication de rapports qui s’inscrivent dans une démarche permanente de prévention des accidents, sans détermination de fautes ou de responsabilités. L’objectif consiste à identifier les causes d’un événement et à formuler des recommandations de sécurité.

Quelle est son histoire ? 

C’est fin 2001, que le ministre de la Défense Alain Richard décide la création du BEA Défense (BEA-D) afin de mener, à compter du 1er janvier 2003, les enquêtes de sécurité lors d’accidents ou d’incidents aériens graves survenant à un aéronef de la flotte d’État.

En septembre 2002, les quinze premières personnes affectées au BEA-D prennent possession de locaux au sein du Centre d’essais en vol du site de Brétigny-sur-Orge. Les officiers qui composent la division « investigations » sont formés et qualifiés comme enquêteurs.

Le 1er janvier 2003, le BEA Défense débute l’exercice de ses attributions et le 17 janvier la première enquête est déclenchée suite à un heurt de pale d’une Alouette III de la Sécurité civile.
Le 13 mars, le BEA Défense est officiellement inauguré et le 14 mars 2003 une instruction ministérielle relative à la conduite des enquêtes techniques par le BEA-D est émise. S’en suivent différents textes de consolidation du socle juridique des enquêtes, donnant ainsi au BEA-D toute sa légitimité.

En 20 ans d’existence les appellations se sont succédées : BEA Défense, BEAD-air puis en 2018 BEA-É.
Cette nouvelle dénomination permet d’afficher clairement la dimension interministérielle du bureau, qui correspond à la mission depuis sa création.

Depuis 2003, le BEA-É a conduit 376 enquêtes de sécurité. Les rapports d’enquête du BEA-É sont consultables sur www.defense.gouv.fr/bea-e

Le 14 mars, le BEA-É fêtera son 20ème anniversaire au Bourget.
Quel est le programme ?

A l’occasion de ces vingt années d’activité, une rencontre des acteurs de la sécurité aérienne étatique est organisée le mardi 14 mars 2023 au Musée de l’Air et de l’Espace.

La date est symboliquement choisie en commémoration de l’inauguration officielle du BEA Défense le 13 mars 2003 à Brétigny-sur-Orge et de la publication le 14 mars 2003 de l’instruction ministérielle qui constitue le socle juridique initial des enquêtes donnant ainsi au BEA-D toute sa légitimité.

L’évènement du 14 mars 2023 est l’occasion de réunir tout le personnel ayant servi au BEA-É depuis sa création, ainsi que les représentants de chaque autorité d’emploi et les partenaires de la sécurité aérienne au pied de l’avion Bréguet XIX « Point d’Interrogation » arboré sur l’insigne du BEA-É.

Ce célèbre aéronef, entièrement peint en rouge et marqué d’un point d’interrogation. Piloté par les lieutenants Costes et Bellonte, il a traversé l’Atlantique nord sans escale en 1930 dans le sens Europe-Amérique. A la fin de sa carrière, Maurice Bellonte occupa d’importantes responsabilités dans le domaine de la sécurité aérienne en tant que Président de la Commission de la Sécurité Aérienne. Le « Point d’Interrogation », par son nom de baptême, préfigure les nombreuses interrogations auxquelles les enquêteurs du BEA-É sont confrontés. Il représente également l’aéronautique française dans son ensemble. Son caractère historique souligne le fait que le BEA-É appuie ses conclusions et recommandations sur une expérience acquise depuis les débuts de l’aéronautique, sans cesse enrichie par les enquêtes diligentées depuis sa création.

Pour information l’héraldique de l’insigne du BEA-É :

« Parchemin d’argent posé en pal à un globe d’azur dépassé et brochant, chargé d’une France d’or sommée d’une étoile dépassée du même, un Bréguet 19 de gueules surbrochant le tout ».

🛩 L’Etoile rappelle celle qui figure sur l’insigne de brevet de pilote et plus largement le personnel navigant au profit duquel travaille le BEA-É Sa couleur or est synonyme d’autorité.
🛩 La Carte de France évoque l’autorité du BEA-É pour enquêter sur l’ensemble du territoire national.
🛩 Le Globe souligne que le BEA-É peut également intervenir à l’étranger.
🛩 Le Parchemin symbolise le rapport d’enquête que produit le BEA-É à des fins de prévention.
🛩 L’avion Bréguet XIX « Point d’Interrogation » a été évoqué plus haut.

Vous êtes directeur du BEA-É depuis le 1er septembre 2021

  • Vos missions sont passionnantes, souhaitez-vous les partager ?

Le directeur du BEA-É est chargé de la relation avec les autorités de tutelle et d’emploi des flottes d’aéronefs ainsi qu’avec ses homologues étrangers. Il est secondé par un officier de Gendarmerie, issu des unités navigantes, assurant une coordination avec les forces de gendarmerie et le pouvoir judiciaire.

Dans le cadre de ses fonctions, le directeur du BEA-É est en charge de la communication des conclusions des enquêtes envers les autorités d’emploi et les familles des victimes d’événements. Il est épaulé dans cette tâche délicate par l’officier communication du BEA-É.

GBA Franck MOLLARD, directeur du BEA-É © BEA-É
  • Que font les EPI ?

Afin de mener à bien le cœur de mission qui est l’enquête de sécurité, le directeur du BEA-É est l’autorité qui commissionne les directeurs d’enquête, spécialement formés.

Il dispose également de cellules d’experts dont un officier ergonome spécialisé en facteurs organisationnels et humains et d’enquêteurs techniques ainsi que du réseau d’enquêteurs de première information (EPI).

Directeur d’enquête BEA-É sur le terrain avec des experts, pilote et mécanicien © BEA-É
  • Des actualités, des projets à partager sur le BEA-É ?

Le BEA-É s’inscrit en permanence dans l’actualité de la sécurité aérienne étatique notamment sur des dossiers qu’il partage avec la Direction de la sécurité de l’aéronautique d’État (DSAÉ). Les échanges avec les acteurs de la sécurité aérienne sont permanents, notamment lors du rendez-vous annuel du bilan d’activité qui se tiendra prochainement. Cette réunion permet au BEA-É et au 7 autorités d’emplois d’analyser les tendances en terme de sécurité aérienne et les effets des recommandations de sécurité émises par le BEA-É.

Outre le travail d’enquête, au cours de ces derniers mois et en 2023, l’activité du BEA-É est très dense.

En interne, le projet de digitalisation d’un nouveau système de base de données arrive à son terme. Ce nouvel outil offre des capacités de travail collaboratif et de veille plus poussées et sera un réel atout dans l’analyse des tendances et des statistiques des évènements aériens.

Sur le plan international, en novembre 2022 sur l’initiative du BEA-É, les bureaux enquêtes accidents étatiques membres du European Air Accident Investigation Group (EAAIG) se sont réunis pour un exercice d’une enquête de sécurité aéronautique à dimension internationale. A partir d’un scénario fictif complexe en coordination avec des experts de 6 pays européens, cet exercice a été l’occasion de se conformer aux procédures de l’OTAN et d’améliorer la capacité européenne à travailler ensemble en ce qui concerne les enquêtes de sécurité impliquant des médias et des contingences judiciaires.

Enfin, 2023 est une année importante pour le BEA-É, puisqu’elle marque la vingtième année d’activité d’enquêtes au service de la sécurité de l’aéronautique d’État. Différentes actions et évènements vont jalonner les prochains mois et débutent par la rencontre des acteurs de la sécurité aérienne étatique le mardi 14 mars prochain au Musée de l’Air et de l’Espace.

Place à des questions plus personnelles

  • Pourquoi le choix de l’Armée de l’Air et de l’Espace, AAE ?

Le choix de l’armée de l’Air et de l’Espace m’a semblé tout naturel lorsque jeune étudiant en école d’ingénieur à Sup’Aéro (Toulouse), je nourrissais déjà une passion pour l’aviation militaire et l’envie de servir mon pays.

J’étais rentré à Sup’Aéro à 19 ans, après deux années de classes préparatoires. J’étais encore jeune et je me suis rendu compte que si l’ingénierie aéronautique me passionnait, et me passionne encore, la dimension opérationnelle de l’aviation allait me manquer.
De plus, l’école nous offrait l’occasion d’apprendre à piloter à Toulouse, ces premiers cours ont renforcé ma conviction.

Je me suis donc tourné à l’époque vers la direction du personnel militaire de l’armée de l’air qui m’a expliqué comment rejoindre le corps des officiers de l’air avec mon titre d’ingénieur.
Tout s’est enchainé très vite et j’ai servi chaque jour avec passion et plaisir, je n’ai pas vu ces trente années passer !

  • Les études et le parcours militaire 

Après avoir rejoint l’École de l’Air à Salon de Provence, j’ai eu un parcours très classique d’élève pilote de chasse, breveté pilote à Tours début 1995.

Mon premier escadron de chasse a été le grand EC 1/5 « Vendée » où j’ai servi huit ans sur Mirage 2000C, j’y ai commandé l’escadrille SPA 124 « Jeanne d’Arc » en 2000.

Après un passage en état-major dans les programmes, je suis passé par l’École de Guerre en 2005, puis je suis revenu en escadron de chasse à Dijon pour finalement commander le prestigieux EC 1/2 « Cigognes » sur Mirage 2000-5 en 2008.

Après un retour en état-major dans les plans, je suis parti trois ans en poste au Koweït, avant de revenir à Paris auprès du Major Général de l’armée de l’Air.

Le poste de commandant de la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan m’a été confié en janvier 2015, le commandement d’une base aérienne reste une expérience absolument unique.

De retour sur Paris, j’ai eu la chance d’être auditeur au Centre des Hautes Études Militaires (CHEM) en 2017, puis j’ai occupé des fonctions de chef de cabinet d’une très haute autorité avant d’être nommé officier général et de prendre la direction du BEA-É en septembre 2021.

  • Des messages à transmettre aux jeunes sur le thème de l’engagement ? 

A nos jeunes lecteurs, je souhaite simplement dire qu’une carrière dans l’armée de l’Air et de l’Espace offrira toujours de très nombreuses possibilités.

La logique de jeunesse qui s’impose dans les forces armées fait que vous pouvez être amenés à prendre très jeune des fonctions et des responsabilités présentant une vaste envergure humaine ou opérationnelle.

La passion des gens qui servent leur pays au sein de l’armée de l’Air et de l’Espace est communicative et on y trouve un sens, un équilibre, une envie commune de remplir la mission, quel que soit le poste occupé.

  • La question appréciée des lecteurs 💫 avez-vous d’autres passions que l’aéronautique ? 

Vous imaginez bien qu’avec un tel rythme, une épouse et deux garçons, ma vie ne m’a pas laissé beaucoup de place pour des passions chronophages.

Maintenir l’équilibre de ma famille avec ce niveau d’engagement a nécessité que je leur consacre du temps et la réussite de mes deux enfants nous apporte, à mon épouse et moi-même, aujourd’hui beaucoup de satisfaction.

Néanmoins, je nourris aussi quelques loisirs sportifs, je cours encore souvent, j’aime beaucoup la montagne et pratique les sports de glisse.

A titre personnel, les questions de géopolitiques internationales me fascinent, les temps de réflexion qui s’offrent dans nos carrières à l’École de Guerre (EdG) et au Centre des Hautes Études Militaires (CHEM) permettent aussi de nourrir cette passion.

Un remerciement appuyé général pour votre confiance. Je vous retrouve demain au Bourget 🚀
Une dédicace au colonel Emmanuel Sillon et au commandant Adeline Motsch pour votre fidélité à Miss K 

Miss K au BEA-É (base aérienne 107 de Villacoublay) avec Emmanuel Sillon et Adeline Motsch © Valérie Desforges

JOUR J : 20ème anniversaire du Bureau Enquêtes Accidents pour la sécurité de l’aéronautique d’État.

Le 14 mars 2023 à l’occasion du 20ème anniversaire du BEA-É (Le Bureau d’Enquêtes Accidents pour la sécurité de l’aéronautique d’État), le GBA Mollard, directeur du BEA-É a convié le CEMAAE, l’IGA Air, ainsi que le GCA Bellanger et le GDA Virem. De plus, toutes les personnes ayant travaillé au BEA-É ont été invitées à cette célébration. L’occasion pour le chef du BEA-É de rappeller les missions de ce bureau et d’observer une minute de silence en mémoire des personnes décédées lors d’accidents aériens.

Une célébration émouvante en présence du CEMAAE Stéphane Mille, de la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) … Des échanges passionnants, je pense aux EPI, les enquêteurs de première information qui réalisent un travail d’enquêtes formidable; la rencontre sympathique avec le directeur du BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile), Rémy Jouty; la rencontre chaleureuse avec la colonel Géraldine Borrel, commandant la Base aérienne 107 « sous lieutenant d’Orme », déléguée militaire départementale des Yvelines. Je ne pourrai toutes les citer.

L’honneur d’être reçue et l’immense joie d’apprendre des militaires et des personnels civils pleinement engagés dans leurs missions. En ce sens, je les remercie et encourage toutes celles et ceux qui sont attirés par les métiers de l’aéronautique d’État. Une piste pour les curieux.

Une dédicace à Anne-Catherine Robert, directrice du musée de l’Air et de l’Espace qui fait du musée un lieu extraordinaire que je vous conseille vivement de visiter !

Un respect pour le général Jérôme Rabier que j’étais ravie de retrouver.

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