Interview de Martine COUDERT, Directrice de l’École Nationale Supérieure de la Police (ENSP)

0

A l’occasion de la cérémonie à l’ENSP de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (69) célébrant la sortie de la 73e et le baptême de la 74e promotions des commissaires, présidée par le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer M. Gérald DARMANIN en présence du directeur général de la Police nationale, M. Frédéric Veaux, j’ai eu l’honneur de m’entretenir le 22 juin 2023, à J-1 de la cérémonie, avec Madame Martine COUDERT, directrice de l’ENSP.

Madame la Directrice,

Question 1 – Je suis très honorée d’être reçue à l’ENSP, nous sommes dans votre bureau. Que se passe-t-il cet après-midi à l’école ?

Bonjour Miss Konfidentielle, heureuse de vous rencontrer.

Depuis le début de la semaine, nous préparons la cérémonie de sortie de la 73e promotion de commissaires de police et le baptême de la 74e.

Un événement majeur qui se produit une fois par an et qui suppose une préparation de tous nos élèves pour qu’ils puissent marcher au pas, défiler et chanter la Marseillaise a cappella. Ce qui est un magnifique moment pour les promotions mais aussi pour la vie de l’école.

Question 2 – Comment se déroulera la journée de demain, vendredi 23 juin 2023 ?

Demain, nous aurons l’honneur de recevoir le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer Monsieur Gérald DARMANIN, qui présidera cette cérémonie, le Directeur général de la Police nationale Monsieur Frédéric VEAUX sera également présent, ainsi que la préfète du Rhône Madame Fabienne BUCCIO.

En fin de matinée le ministre viendra sur la place d’Armes et se déroulera la présentation de la nouvelle promotion de commissaires de police qui a choisi le nom de promotion « Martine MONTEIL ».

C’est un nom de promotion un peu particulier puisque d’habitude les élèves honorent la mémoire de personnes disparues. Pour la première fois, l’honneur sera rendu en personne à l’éponyme de la promotion. Elle perpétuera ainsi son nom sur toutes les décennies à venir. C’est donc un superbe hommage rendu à un policier de police judiciaire de la préfecture de police de Paris et je trouve que c’est très symbolique.

– Madame Martine MONTEIL sera-t-elle présente à la cérémonie ?

Madame Martine MONTEIL sera présente tout le long de la cérémonie.

Lorsque je présenterai la 74e promotion au ministre, j’annoncerai que la promotion portera désormais le nom de « Martine MONTEIL ».

– Comment l’école en est-elle venue à choisir Madame Martine MONTEIL de son vivant ?

Les élèves choisissent en principe deux éponymes et ils procèdent à un vote.

Les noms retenus sont présentés au Directeur général, Monsieur Frédéric VEAUX, en précisant les suffrages obtenus par chacun. Madame Monteil était très majoritaire et le Directeur général a validé ce choix.

Ils prennent ensuite contact avec la famille de l’éponyme qui a obtenu le plus grand nombre de voix pour leur demander s’ils acceptent cette proposition.

Cette démarche a donc été faite auprès de Madame Monteil qui n’a pas hésité.

– Les élèves vous ont-ils expliqué la raison de leur choix ?

La proposition m’a été expliquée par un élève qui est un ancien de la police judiciaire donc je pense qu’il y a une forme de fidélité, et il est vrai que la police judiciaire a une image dans la Police nationale que personne ne peut contester.

Et puis Madame Martine MONTEIL est une des premières femmes commissaires de police, une des premières femmes à être passée commissaire divisionnaire, elle a fait presque toute sa carrière au 36 quai des Orfèvres. Elle est aussi devenue la directrice de la Direction Centrale de Police Judiciaire (DCPJ).

– Madame Martine MONTEIL est une « grande dame » à vous écouter.

Une « grande dame », c’est tout à fait cela.

Et puis elle résolu ou participé à des enquêtes très emblématiques comme l’enquête de Madame Claude, malheureusement l’enquête de l’accident de la princesse Lady Di, et bien d’autres enquêtes.

– Seront présents sur la place d’arme demain combien d’élèves ?

La 73e promotion avec ses 53 élèves et la 74e promotion avec 66 élèves.

Et nous avons également des classes préparatoires talents, avec 6 élèves.

Nous aurons aussi les cadres de police étrangers que nous recevons -sur le site de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, ils sont du nombre de 15 – et des cadres de police étrangers du site de Cannes-Écluse (16) puisque nous avons un second site de l’ENSP à Cannes-Écluse (77).

Question 3 – Je rebondis en vous invitant à nous rappeler l’histoire de l’École Nationale Supérieure de la Police.

L’ENSP a 82 ans. Le site de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or a été choisi en 1941 parce qu’il était en zone libre, parce que l’on avait sur Lyon un réseau ferroviaire et routier relativement étoffés, et parce qu’il y avait sur Lyon un grand laboratoire de police technique et scientifique (PTS).

Ce terrain a été récupéré par l’État pour former des policiers. Suite à la fusion en 1966 de la sûreté nationale et de la préfecture de police pour devenir une police nationale, l’école   est devenue en 1968 le seul site unique de formation initiale des commissaires de police en France.

En 2014 , l’ENSP a absorbé l’École Nationale Supérieure des Officiers de Police (ENSOP) située à  Cannes-Écluse.

Donc en tant que directrice de l’ENSP, je gère deux sites, celui de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (69) et celui de Cannes-Écluse (77). L’ENSP est l’école des cadres de la Police nationale où l’on forme à la fois les commissaires de police et les officiers qui se retrouvent au cours de l’année sur une formation commune maintien de l’ordre et violences urbaines.

– Souhaitez-vous apporter un éclairage sur les classes prépa talents ?

L’ENSP a d’abord une particularité.

Elle est la première grande école à avoir créé ses classes préparatoires intégrées, que l’on appelait CPI à l’époque.

Nous avons une classe sur le site de Saint-Cyr et une classe sur le site de Cannes-Écluse.

Ces CPI sont devenues des classes préparatoires talents suite à l’engagement du ministre de la transformation publique. L’objectif de cette réforme est de donner une même structuration à ces classes et apporter aussi une diplomation aux élèves.

Nous avons 30 places sur chaque site, nous permettant d’accueillir des jeunes sous condition de ressources que nous allons former aux concours de la Fonction publique et plus particulièrement aux concours de la Police nationale. Pendant 10 mois nous approfondissons des cours, nous les mettons en situation de passer des grands oraux. Nous leur apportons aussi une ouverture culturelle, et une meilleure connaissance du fonctionnement de la Police nationale pour qu’ils soient prêts quand ils passeront les concours nationaux puisque les concours d’officiers de police et de commissaires de police sont des concours nationaux.

Donc nous croyons vraiment aux classes prépa talents parce que les policiers sont à l’image de notre société civile, on a besoin de diversité et de refléter toutes ses composantes.

– C’est une forme de message que vous passez.

Absolument.

Question 4 – A quel moment avez-vous pris vos fonctions de directrice de l’ENSP ? Et quelles étaient vos missions ?

J’ai pris mes fonctions de directrice de l’ENSP le 21 décembre 2021.

Mes missions étaient évidemment de former au mieux des officiers de police et de commissaires de police pour leurs premières années d’affectation.

Notre métier devient technique, complexe. On demande à ces élèves lorsqu’ils sont affectés une technicité et une immersion immédiate. Et il est vrai que lorsqu’ils arrivent sur un poste, on oublie que deux jours avant ils aient pu être des élèves. On attend des chefs.

Notre objectif est de leur permettre de cheffer le mieux possible. C’est-à-dire qu’ils aient toutes les bases pour le faire. Des bases techniques, c’est clair, des bases de droit, de gestion humaine, la connaissance des fichiers… mais c’est largement insuffisant aujourd’hui. Il faut aussi qu’ils sachent manager et on sait que le management ne s’improvise pas ou ne s’improvise plus.
Avant on avait le temps de « maturer » sur des petits postes et de grandir, d’acquérir une expérience au fur et à mesure des affectations, ce qui a été mon cas. Aujourd’hui ce n’est plus tout à fait la même chose. Pour leur première affectation, les commissaires et officiers occupent des postes avec des responsabilités relativement importantes. Il est nécessaire de les préparer au mieux.

Notre objectif est l’excellence, c’est-à-dire donner une excellence dans les enseignements pour que ces élèves soient préparés au mieux et qu’au-delà du savoir-faire, on leur donne aussi des leviers pour le savoir-être.

– Second message si je comprends bien.

Absolument.

Question 5 – Vous avez des élèves policiers étrangers à l’ENSP. De quels profils s’agit-il ? Et comment la scolarité s’organise-t-elle ?

Nous sommes très fiers d’accueillir des élèves Luxembourgeois, parfois des Monégasques et des Andorrans pour les former au même titre que nos élèves commissaires c’est-à-dire en 22 mois. Ils s’engagent totalement dans la scolarité et ils sont classés en fin de scolarité avec les autres élèves.

Leur présence est une vraie richesse.

Cette année, nous avons 5 Luxembourgeois. Parallèlement à cela, nous recevons des cadres de police étrangers francophones qui viennent de tous les pays, principalement d’Afrique mais pas seulement. Nous avons ainsi une brésilienne cette année. Ils ont une formation spécifique de 10 mois et ils passent en cours de scolarité un Master 2.

Il faut savoir que ces élèves ont peu l’occasion de rentrer chez eux pendant ces 10 mois. Ils sont hébergés, nourris et suivent les cours.

Je salue franchement leur engagement puisqu’ils conjuguent une formation initiale et un master 2 de front.  

Nous les avons tous reçus avec mon adjoint, du moins les cadres pour Saint-Cyr-au-Mont-d’Or parce que nous souhaitions nous assurer que cette formation et ce diplôme pouvaient leur permettre d’aborder une nouvelle carrière au retour dans leur pays.

Certains de nos cadres de police étrangers sont devenus Directeurs généraux de la Police nationale de leur pays. Nous en sommes très fiers !.

Ces cadres nous confirment tous que l’ENSP est particulièrement reconnue comme une institution de qualité.

Question 6 – Je suis les actualités et je lis des partenariats de l’ENSP avec le continuum de sécurité, par exemple. Souhaitez-vous développer ?

Il est vrai que la formation initiale à l’ENSP n’est qu’un pan de notre activité. 

Nous avons également toute une activité partenariale et internationale.

Dans le cadre de l’activité partenariale, l’ENSP s’inscrit évidemment dans le cadre du continuum de sécurité. Ainsi notre Directeur Général nous a ainsi demandé de proposer des formations continues à l’adresse des élus qui faisaient l’objet de victimes de violences.

Avec le RAID, nous avons monté des formations pour des maires de grandes villes et de petites villes. Ces formations ont été aussi déclinées par l’ancienne Direction Centrale de la Sécurité Publique (DCSP, maintenant Direction Nationale de la Sécurité Publique DNSP). Nous nous sommes également déplacés avec le RAID au Sénat pour sensibiliser des sénateurs à la gestion de crise et la gestion de l’escalade des comportements agressifs dont ils pourraient être victimes. Nous allons faire la même chose à l’Assemblée nationale.

Nous assurons également dans le cadre de ce partenariat des formations sécurité avec le ministère de la Culture, avec la Poste…

Donc notre volonté est de s’inscrire dans ce continuum de sécurité.

Dans le cadre de notre activité internationale, nous avons des liens avec différentes académies étrangères, Irlande (Dublin), Espagne (Avilla), l’Arabie Saoudite (université Nayef), le Liban. L’objectif est de proposer (à leur demande ou sur initiative) des formations avec des experts français sur certains thèmes ou de recevoir des délégations pour échanger sur nos enseignements.

Question 7 – Proposez-vous des enseignements à l’ENSP par des experts du CEPOL, d’Europol et d’Interpol, par exemple ?

Nos stagiaires depuis l’année dernière partent auprès des institutions européennes pendant 10 jours pour mieux les connaître. Les retours sont très positifs.

Sinon la formation initiale et la formation continue permettent d’accueillir à l’ENSP des experts qui ont une appétence pour la pédagogie et qui viennent expliquer leur métier et leurs problématiques.

Je voudrais également préciser, que l’école dispose d’un centre de recherche.

Nous avons construit depuis 10 ans un véritable réseau avec de nombreux scientifiques et nous développons un certain nombre de projets de recherche avec les directions centrales de la police nationale. Cette recherche est dite appliquée parce qu’elle doit être utile aux policiers.

Le centre de recherche a ainsi développé avec la DCPJ un projet très emblématique portant sur la  protection des biens culturels pillés ou volés avec le projet NETcher. Une application téléchargée sur un téléphone permet avec une photo d’identifier un objet ancien et d’apprécier ainsi sa valeur archéologique. Le dispositif est étonnant et innovant.  

Question 8 – La journée de la Police nationale est le 09 juillet. Un événement est-il organisé cette année à cet effet ?

– Pourquoi la date du 9 juillet ?

Le choix de la date fait référence à la loi du 9 juillet 1966 portant création de la police nationale : fusion de la sureté nationale (police de province) et la préfecture de police de Paris.

Il s’agit d’une initiative récente de Monsieur le DGPN, Monsieur Frédéric VEAUX qui a souhaité en faire la journée de la police nationale et ainsi promouvoir le lien police/population et rendre hommage à nos morts en service et à nos blessés.  

Pour permettre à tous les policiers d’y participer soit sur le site CRS de Vélizy (en présence de Monsieur le ministre de l’Intérieur et Mr le DGPN) soit dans les départements, cette journée peut être décalée lorsqu’elle tombe un dimanche.

Cette cérémonie se tient dans tous les services de police de tous les départements, le même jour et à la même heure.

Question 9 – La Police nationale défilera le 14 juillet sur les Champs-Elysées. Des élèves de l’ENSP seront-ils présents ? Racontez-nous

La police nationale défile le 14 juillet sur le Champs Elysée depuis 1996, après les attentats de 1995.

Participent à ce défilé les élèves commissaires, officiers, gardiens de la paix et cadets de la république après un entraînement intensif sous la direction de l’unité de coordination des grands évènements. Marcher au pas dans un ordre parfait ne s’improvise pas et c’est un très grand honneur pour l’ensemble de ces élèves. 

Question 10 – Nous arrivons au terme de l’interview.

– Que nous conseillez-vous de découvrir sur le plan touristique local ?

Nous sommes très privilégiés.

Dès que vous passez la porte de l’école, vous avez un poteau directionnel qui vous emmène de poteaux en poteaux pour faire des randonnées pédestres de toute beauté qui peuvent aller de 30 mn à une heure, ou même de trois heures et plus.

Pas très loin de l’école, il existe un chemin médiéval que j’apprécie, entouré de pierres dorées extraites des carrières qui étaient autour de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or.

Je déconseille le vélo aux alentours à moins que vous soyez particulièrement douée parce que cela monte beaucoup. 

Les monts du lyonnais sont vraiment très beaux, Nous avons les cabornes du Mont-d’Or qui sont des anciennes cabanes de pierre sèches construites par les paysans pour s’abriter du froid et de la pluie. Les cabornes sont restaurées par une association locale, c’est superbe.

– Qu’en est-il de la gastronomie locale ?

Elle est très agréable dans le département comme partout en France. Je trouve que nous sommes très privilégiés en ce domaine.

Vous l’avez compris j’aime la bonne gastronomie.

– Vous aimez la nature, la culture, la gastronomie. Avez-vous d’autres sources de détente ?

Je rêve de voyages.

Mon métier ne m’a pas permis de faire tous les voyages que j’aurai souhaité. Il était souvent difficile de réserver longtemps avant des billets de train ou des billets d’avion.  Je souhaite voyager en Jordanie, en Amérique du Sud, en Asie …partir sans contraintes de date.

J’aime beaucoup marcher pour être au plus proche des gens et de la nature.

Il est vrai que lorsque je voyage je n’aime pas calquer la culture française à un voyage à l’étranger, j’aime bien l’immersion totale.

Le plus beau voyage que je vois est de partir et de marcher sans forcément beaucoup de préparation, marcher d’un point A à un point B mais peu importe le chemin, ce qui compte c’est l’imprévu. C’est une forme d’aventure et j’aime bien ouvrir les portes qui sont fermées.


Un remerciement appuyé, madame la Directrice, pour les moments partagés lors de ma visite à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or. Nos échanges étaient instructifs et agréables !

Des photos souvenirs du 22 juin et 23 juin 2023 

22 juin 2023 – Répétition à l’ENSP de la sortie de la 73e et le baptême de la 74e promotions de commissaires de police avec Mme Martine COUDERT © Valérie Desforges
23 juin 2023 – Avant la Cérémonie à l’ENSP de sortie de la 73e et le baptême de la 74e promotions de commissaires de police avec Mme Martine COUDERT © Valérie Desforges
23 juin 2023 – Cérémonie à l’ENSP de sortie de la 73e et le baptême de la 74e promotions de commissaires de police avec Mme Martine COUDERT, Mme Fabienne BUCCIO, M. Gérald DARMANIN, M. Frédéric VEAUX © Valérie Desforges
23 juin 2023 – Cérémonie à l’ENSP de sortie de la 73e et le baptême de la 74e promotions de commissaires de police avec Mme Martine COUDERT © Valérie Desforges
Le 23 juin 2023 – Remise de médaille de M. Gérald DARMANIN à un commissaire de police à l’ENSP en présence de Mme Martine COUDERT © Valérie Desforges
23 juin 2023 – M. Gérald DARMANIN et Mme Martine MONTEIL en présence de Mme Martine COUDERT et M. Frédéric VEAUX à l’ENSP © Valérie Desforges

Note importante – Il est strictement interdit de copier tout partie de l’article (contenu, photos)

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.