Interview de Valentine RIOULT, contrôleuse générale de la Police nationale et sous-directrice Monde à la DCIS

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Le 12 novembre 2023 – Aujourd’hui, nous sommes au Capitole, siège de la Direction de la Coopération Internationale de Sécurité (DCIS). Je suis avec Valentine RIOULT, contrôleuse générale de la Police nationale et sous-directrice Monde, autour d’un café dans son bureau. Nous avions eu le plaisir de nous rencontrer dans le cadre du colloque annuel de la Direction de la Coopération Internationale de Sécurité du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer.

Pour mémoire, La DCIS est une Direction centrale placée sous l’autorité du directeur général de la Police nationale et du directeur général de la Gendarmerie nationale. Une Direction qui fait suite à un service créé en 1961 et qui s’appelait le Service de Coopération Technique Internationale de Police (SCTIP). Ce service a été créé par nos aînés au moment de la décolonisation lorsque la France s’est retirée et que les pays dans lesquels elle était implantée ont pris leur indépendance. En 2009, le ministère de l’Intérieur intègre la Direction générale de la Gendarmerie nationale, la DGGN. En 2010 de manière à mutualiser les compétences de la police et de la gendarmerie en matière de coopération, d’unir nos deux forces, une réflexion est menée par le DGPN et le DGGN. Ils décident de créer la Direction de la coopération internationale, la DCI. C’était très novateur puisque c’était la première fois que se créait une direction faite de policiers et de gendarmes, et cela bien avant les GIR, avant les Offices centraux, avant le renseignement territorial. Ils ont réuni ces deux services avec 2/3 de policiers et 1/3 de gendarmes parce que c’était ce qui constituait ces deux services, et ils ont décidé d’une organisation tricéphale, donc de trois sous-directions commandées par deux policiers et un adjoint officier supérieur de gendarmerie. Et puis à l’étranger on avait ce que l’on appelait les attachés de police et les coopérants militaires qui sont devenus les attachés de sécurité intérieure (ASI) de manière à ce qu’il n’y ait plus de distinction entre policiers et gendarmes. En 2021, nous avons mené un travail de réflexion sur le fonctionnement de la DCI. En arrivant, j’ai compris que la dénomination DCI ne précisait pas la notion de sécurité en Europe. Lorsque le président Emmanuel MACRON est élu en 2017, il modifie le nom du ministère des Affaires étrangères, le MAE, et il crée le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE). Il ajoute le mot Europe qui est au centre de nos relations internationales. La même année, en 2021, on met en place notre réforme et nous créons la DCIS. Extraits de l’interview de Sophie HATT, Directrice de la DCIS.

Bonjour Valentine,
Quelle est votre place dans l’organisation de la DCIS ?

Je suis rentrée des Etats-Unis où j’ai exercé les fonctions d’attachée de sécurité intérieure durant 5 ans et, depuis septembre 2022, je suis sous-directrice Monde de la DCIS.

A ce titre, je suis responsable des 2 divisions qui composent ma sous-direction : la division de la coopération bilatérale et la division des partenariats.

La division de la coopération bilatérale, c’est un peu l’ADN de la direction, ou au moins de sa mission originelle, depuis la création du SCTIP en 1961 dans le contexte de la décolonisation.  En effet, la division de la coopération bilatérale met en œuvre l’ensemble de la coopération du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer dans une zone géographique très étendue qui va de l’Afrique, à la zone indo-pacifique, en passant par le Proche et le Moyen-Orient, la rive sud de la Méditerranée, l’Europe orientale, et le continent américain. En fait, lorsque l’on dit « Monde » à la DCIS il faut comprendre « tout sauf l’Europe », soit le ressort territorial de 56 services de sécurité intérieure et 126 pays avec lesquels le MIOM développe une coopération d’intensité variable. Pour conduire ce travail, nous sommes,sans surprise, organisés en bureaux géographiques. La division compte ainsi un bureau Afrique, un bureau Afrique du Nord/Moyen-Orient ainsi qu’un troisième bureau sur lequel le soleil ne se couche jamais puisqu’il traite de la coopération avec l’Asie, les Amériques, l’Europe orientale et le Pacifique.

Délégation des Special Investigating Unit et du Justice College sud-africains à la DCIS (Valentine Rioult) pour des échanges en matière de lutte contre la corruption et la cybercriminalité © DCIS

L’autre division de la sous-direction est la division des partenariats qui a en portefeuille des missions aussi nombreuses que variées. Elles recouvrent notamment le partenariat que nous avons avec le secteur privé, et en particulier les entreprises, autour de deux axes majeurs :  le soutien à l’export des entreprises françaises des filières sécurité intérieure et civile ainsi que les relations que nous entretenons avec les directions sûreté-sécurité de plus de 200 sociétés.

La division des partenariats, c’est également l’animation des réseaux de la DCIS comme Francopol, réseau international francophone de coopération policière qui est l’un des 16 réseaux institutionnels de l’Organisation internationale de la Francophonie et dont notre directrice, Sophie Hatt, est présidente, et Resopolis, une association qui regroupe, sous l’égide de la DCIS, les attachés de sécurité intérieure et officiers de liaison étrangers en France.

Une autre mission de la division partenariats consiste dans la mise en place de stages que nous organisons en France au bénéfice de nos partenaires étrangers. Elle gère aussi les scolarités des policiers et gendarmes étrangers accueillis à l’École des officiers de la Gendarmerie nationale (EOGN) ou à l’École nationale supérieure de la police (ENSP) à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, et à Cannes-Ecluse.

Valentine RIOULT accompagne Sophie HATT, directrice de la DCIS, à la rencontre des cadres de police étrangers à la 75e promotion de l’ENSP (Martine COUDERT) de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or © DCIS

Voilà brossées à grands traits les missions de la sous-direction Monde de la DCIS mais je pourrais aussi évoquer la mise en œuvre des actions que nous menons à l’étranger grâce au Fonds de concours « Drogues » géré par la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) et la conception des actions de coopération dans les domaines spécifiques de la gouvernance, de la sécurité routière et de la sécurité civile.

Vous l’aurez compris, les missions de la sous-direction Monde sont aussi nombreuses que son terrain d’exercice est vaste et pour relever les nombreux défis posés par notre activité quotidienne particulièrement riche je suis très bien entourée. Je peux compter au quotidien sur une équipe composée de policiers et de gendarmes expérimentés dont certains ont déjà eu d’autres fonctions en matière de coopération internationale et ont servi à l’étranger. Je pense tout particulièrement au sous-directeur adjoint avec qui je partage la responsabilité de la sous-direction, le colonel de gendarmerie, Jérôme Delhez.  Cela crée une belle synergie et je pense pouvoir dire que nous travaillons tous en confiance et dans une ambiance agréable.

Comment travaillez-vous au quotidien avec les équipes de la sous-direction Monde de la DCIS ?

J’ai été attachée de sécurité intérieure (ASI) ce qui m’a permis d’avoir, dès le début de ma mission, une bonne idée des attentes de la DCIS et du ministère de l’Intérieur.

Dans l’exercice quotidien de nos activités, en lien avec les services de sécurité intérieure rattachés à la sous-direction, nous veillons à ce que la coopération que nous mettons en œuvre respecte les priorités ministérielles. Dans ce cadre de référence, nous travaillons à  faire émerger  les bonnes pratiques, les bonnes idées et à être autant que possible créatifs, innovants, prêts à proposer des choses pour prévenir tout ronronnement administratif qui serait préjudiciable à notre mission. J’ai aimé être challengée lorsque j’étais ASI et, quand cela est pertinent, j’apprécie qu’avec mes collègues ASI nous nous inscrivions dans cet état d’esprit. Je leur dis parfois : « inventons de nouvelles choses, des choses qui n’ont jamais été proposées, soyons créatifs et innovants ! » Nous avons un cadre d’exercice, cela n’est pas incompatible avec la créativité. C’est à mon sens ce qui fait le sel de notre métier.

Je vous disais en début d’entretien que j’ai été ASI à Washington durant 5 années. Aux États-Unis, dans le domaine de la sécurité, les partenariats public-privé sont très courants. En France, c’est plus récent et moins naturel pour les policiers et les gendarmes de travailler en direct avec des sociétés privées. Dans le meilleur des cas, cela interroge, dans le pire, cela fait peur, voire rebute. Mon rôle c’est notamment de combattre les résistances, de motiver et de susciter des occasions de nouer des partenariats public-privé dans le cadre des missions qui sont les nôtres. Cela peut donner de très belles choses, des choses qui ont du sens. Par exemple, en matière de soutien à l’export, nous nous investissons beaucoup dans la mise en place d’événements à l’étranger où nous faisons se rencontrer l’offre et la demande en matière de matériels de sécurité. Nous mettons en relation, en lien avec Business France, qui est l’opérateur de l’État au service de l’internationalisation de l’économie française, les marchés étrangers et les entreprises françaises susceptibles d’y répondre. C’est notre contribution à la diplomatie économique. Cette mission s’exerce également dans le cadre des grands salons internationaux comme Milipol dans le cadre desquels nous invitons des délégations étrangères afin qu’elles puissent aller à la rencontre des entreprises françaises dont nous veillons à promouvoir la valeur et les innovations. Dans le cadre ce partenariat avec les entreprises, nous avons investi l’année dernière de nouveaux domaines comme celui de la prévention des risques professionnels attachés à la mission de soutien à l’export, nous avons pour cela travaillé avec une avocate. Cela n’avait jamais été fait et a très bien fonctionné. Nous avons encore beaucoup d’autres idées pour faire évoluer nos missions.

Le secteur du « soutex » n’est pas le seul domaine dans lequel nous avons innové au cours de l’année qui vient de s’écouler. Nous avons en effet mis en place les premiers stages en matière de sécurité civile portés par la DCIS. Auparavant, les stages que nous proposions relevaient de domaines assez traditionnels et sonnaient très « police » : fraude documentaires, tuerie de masse, police scientifique… Désormais, avec la Direction générale de la sécurité civile et de gestion des crises (DGSCGC), nous organisons des stages « gestion de crise », feux de forêt, NRBC. J’ai eu le plaisir de clôturer, aux côtés de l’inspecteur général Grégory Allione, le premier stage « gestion de crise »organisé en septembre à l’Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) à Aix-en-Provence. Le stage a été une formidable réussite grâce à l’investissement de mon équipe, qui a imaginé cette nouvelle formation, et de l’ENSOSP, alors que nous partions de rien. Cela n’avait jamais été fait. Les stagiaires étrangers qui y ont pris part ont vécu une expérience très enrichissante. Nous savons déjà que l’expérience va être reconduite l’année prochaine et de nouvelles idées ont émergé de cette séquence. Nous avons ainsi pour projet l’organisation d’un stage qui pourrait être organisé à l’ENSOSP au bénéfice des pays andins. Je pourrais vous parler de mes missions pendant des heures, elles sont aussi variées que passionnantes. Je mesure la chance que j’ai d’exercer un métier qui, tous les jours, me fait faire le tour du monde depuis mon bureau et investir de nouveaux domaines. J’ai la chance, avec mes équipes, d’avoir suffisamment d’espace pour le faire et, surtout, une direction qui nous permet de proposer des choses. C’est très motivant.

Quels sont les faits marquants depuis votre prise de poste ?

La première chose qui me vient à l’esprit, parce que j’y attache beaucoup de prix, est ma participation aux séminaires régionaux de la DCIS. Cette année, je me suis déplacée en Colombie, en Thaïlande, au Niger pour aller à la rencontre des ASI des zones Amériques, Indo-Pacifique et Afrique subsaharienne. Ces séminaires sont des moments très forts en matière d’échanges, de pilotage, de management, parce que les ASI s’y retrouvent autour d’une thématique, de centres d’intérêt communs et bénéficient d’un cadre privilégié pour discuter, et parfois faire part de leurs difficultés. Cela permet d’élaborer des solutions, de proposer des bonnes pratiques, dans le cadre d’un échange de proximité.

Valentine RIOULT à Bangkok pour prendre part, aux côtés de Sophie HATT, au 3ème séminaire des attachés de sécurité intérieure de la zone indopacifique © DCIS

Au quotidien, il n’est pas facile d’avoir un rapport privilégié avec chaque ASI. Ils sont très nombreux. J’avais de grandes ambitions à cet égard lorsque j’ai pris mes fonctions. Je voulais créer un lien personnel avec chacun d’entre eux. La réalité m’a malheureusement rattrapée, je n’ai pas le temps pour cela. Fort heureusement, ce lien privilégié est entretenu par les chefs de division, les bureaux de la sous-direction et par les chargés géographiques. Pour moi, je l’avoue, c’est assez frustrant au quotidien et c’est pour cela que prendre le temps de retrouver les ASI lors d’événements régionaux dédiés et d’avoir des échanges bilatéraux privilégiés est important. C’est à cette occasion que les idées jaillissent et les bonnes pratiques aussi.

Les événements qui imposent la recomposition de notre dispositif en Afrique ont également marqué ma première année à la tête de la sous-direction. Le nouveau contexte nous oblige à réfléchir aux effectifs que nous souhaitons maintenir ou engager et à ce que nous souhaitons mettre en place.

Lorsque j’ai pris mes fonctions en septembre 2022, nous avons dû faire face, avec notre service sécurité intérieure à Ouagadougou, aux événements dans le cadre desquels la présence française était dénoncée et qui ont conduit depuis à une réduction drastique de notre coopération. En juillet dernier, Eric Belleut, notre ASI au Niger, a été confronté avec son équipe aux conséquence du coup d’État. Aujourd’hui, nous devons nous réorganiser et repenser notre coopération historique avec l’Afrique, renouveler nos cadres d’action. Nous y travaillons en lien avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, et notamment avec la Direction de la coopération de sécurité et de défense, qui finance la très grande majorité de nos actions en Afrique. Nous devons désormais nous inscrire dans un cadre d’action rénové que le MEAE désigne sous l’expression « Afrique autrement ». Il s’agira d’un véritable challenge pour la nouvelle génération d’attachés de sécurité intérieure dans cette région du monde.

Autre fait marquant, ou plutôt axe majeur de mon action depuis un peu plus d’un an : la réflexion que la DCIS a engagée avec la DGPN, la DGGN et la direction générale des Outre-mer sur la coopération internationale de nos territoires ultra-marins. C’est dans ce cadre que je me suis déplacée en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie pour échanger avec mes collègues policiers, gendarmes et douaniers sur notre stratégie indopacifique qui s’inscrit dans celles, plus larges, du gouvernement français et de l’Union européenne.

Miss K : Pour rappel, les outre-mer français, ce sont 12 entités : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les Terres australes et antarctiques françaises et les îles de Wallis-et-Futuna.

L’espace indopacifique est une priorité du Président de la République Emmanuel MACRON qui y a effectué plusieurs déplacements officiels. Chaque ministère décline à son niveau les priorités et les axes présidentiels. Dans le domaine de la sécurité, la France, qui est une nation du Pacifique, a des vrais enjeux dans cet espace qui tend à devenir le nouveau centre de gravité du monde. Le ministère doit être au rendez-vous, tout comme doit l’être la DCIS. Nous y travaillons avec nos collègues gendarmes et policiers présents dans la région et nous avons ouvert un poste d’attaché de sécurité intérieure en Australie en septembre. Le commissaire divisionnaire Grégory Cornillon qui a pris ses fonctions à Canberra est également compétent en Nouvelle-Zélande, en Papouasie Nouvelle-Guinée et au Vanuatu. De ses premiers échanges et observations, cette création est très bien accueillie par nos partenaires dans la zone.

Miss K : En 2021, l’Union européenne s’est dotée d’une stratégie indopacifique et Joseph Borell, vice-président de la Commission européenne et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, avait déclaré à cette occasion : « notre engagement vise à faire en sorte que la région indopacifique demeure libre et ouverte à tous, tout en nouant des partenariats forts et durables, afin de coopérer en matière de transition écologique, de gouvernance des océans, de transition numérique ou encore de sécurité et de défense » (source).

– Donc beaucoup de choses à inventer et à faire ! Vous arrive-t-il de vous reposer ?

(rire) J’occupe un poste exigeant et passionnant, cela aide à rester éveillée !

Je vous propose un Focus sur votre parcours professionnel pour mieux vous découvrir.

Je suis entrée dans la police en 1997 en tant qu’officier. La police n’était pas une vocation au départ, je voulais être magistrat. Lorsque j’étais enfant, mon père avait un ami juge d’instruction qui parlait de son métier avec tellement de passion que, du haut de mes 10 ans, je voulais être juge d’instruction.

J’ai fait des études de droit pour être juge d’instruction, je crois que je n’ai jamais imaginé pouvoir faire autre chose jusqu’à ce que j’obtienne un stage auprès d’un juge d’instruction à Rouen, d’où je suis originaire. J’entrais en licence de droit et j’allais avoir 20 ans. Je ne suis pas sûre qu’il m’ait immédiatement prise au sérieux et quand je lui ai exposé mes ambitions, il m’a dit : « Vous faites les choses à l’envers :  avant de comprendre le métier de juge d’instruction, il faut comprendre ce qu’est un service enquêteur ». C’est lui qui m’a fait découvrir la police en me faisant ouvrir les portes de l’hôtel de police de Rouen et surtout celles de la brigade des stupéfiants de ce qu’on appelait à l’époque la sûreté urbaine.

J’ai découvert pendant ce stage des gens formidables, très engagés, avec un sens du service public chevillé au corps mais aussi le sens du collectif et un véritable esprit d’équipe auxquels j’attache beaucoup d’importance dans mon quotidien. C’est là que je me suis dit : « je n’abandonne pas mon choix d’intégrer la magistrature mais je vais aussi explorer l’idée d’entrer dans la police ». J’ai finalement opté pour la police et je n’ai aucun regret. Je suis toujours en contact avec celui sans lequel je n’y aurais certainement jamais pensé et nous en avons souvent reparlé.

J’ai fait mes premiers pas dans la police, dans le domaine de l’investigation, au sein de l’Office central de répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre, devenu l’OLTIM depuis le 1er janvier 2023. A l’OCRIEST, j’ai appris mon métier auprès d’anciens procéduriers et enquêteurs du Quai des Orfèvres qui avaient rejoint ce nouveau service créé par Robert Broussard, lorsqu’il était à la tête de la Direction centrale du contrôle de l’immigration et de la lutte contre l’emploi des clandestins. Cet office à compétence nationale était alors le premier en dehors de la sphère de la police judiciaire. Cette première expérience a été extrêmement riche professionnellement, elle l’a été aussi sur le plan humain. Je suis toujours en relation avec beaucoup de collègues de cette époque dont nous gardons tous d’excellents souvenirs.

A ma sortie de l’Ecole nationale supérieure de la police, devenue commissaire de police, j’ai exercé comme directrice départementale adjointe des Renseignements généraux des Alpes-Maritimes. Je m’y suis spécifiquement investie dans les domaines de la lutte contre les extrémismes politiques violents, le hooliganisme et l’islam radical. Nommée ensuite directrice départementale des Renseignements généraux de Vaucluse, j’ai choisi, lors de la réforme du renseignement en 2008, de rejoindre la direction centrale de la sécurité publique en tant que cheffe du service départemental de l’information générale de l’Hérault, à Montpellier. A cette période, j’ai eu la chance de travailler sous les ordres d’un DDSP qui m’a fait une confiance absolue, il s’agissait de Patrick Chaudet. J’exerçais un métier qu’il ne connaissait pas et j’arrivais dans une maison, la Sécurité publique, que je ne connaissais pas. Je dirigeais des personnels qui parfois n’avaient pas forcément choisi de se retrouver dans ce service dans le contexte de la réforme du renseignement. Cela n’était pas évident, il s’agissait alors d’une vraie révolution, la conduite de la réforme avait laissé des traces, beaucoup exprimaient leur incompréhension. Ils avaient le sentiment d’avoir eu à choisir un camp et que celui de l’information générale n’était pas perçu comme le plus noble. Il a fallu rassurer et convaincre. Encore une fois, j’ai vécu au travers de ces nouvelles fonctions une expérience très riche sur le plan humain. J’avais une équipe fantastique, composée de gens motivés qui avaient à cœur de démontrer qu’ils étaient de très bons professionnels et que leur mission comptait.

Je suis ensuite devenue cheffe de la section des études, de la communication des relations internationales de la sous-direction de la police technique et scientifique de la direction centrale de la police judiciaire à Écully, près de Lyon. J’y ai passé 2 ans. C’est là que j’ai commencé à m’investir dans la coopération internationale. C’est là aussi que j’ai travaillé avec l’Education nationale pour élaborer le contenu de l’enseignement d’exploration « Sciences et investigation policière ».  A l’époque, on observait une sorte d’effet CSI (crime scene investigation) dans les établissements scolaires. La série « Les Experts » avait beaucoup de succès et de nombreux jeunes étaient tentés par la police scientifique. Cette engouement, qui allait bien au-delà du public adolescent, nous a permis de construire des choses très intéressantes, d’accroître notre visibilité, de promouvoir notre expertise. Les demandes des médias étaient nombreuses, notre domaine fascinait.

Et puis, en 2011, je suis arrivée à la Direction de la coopération internationale de sécurité en tant que cheffe du centre de veille opérationnelle, le cœur du réacteur de la structure. C’est par ce service que transite toute l’information issue du réseau des services de sécurité intérieure et que toutes les demandes qui lui parviennent passent.

Ce n’était pas du tout programmé, après deux ans passés à Ecully, je pensais plutôt rester en police judiciaire. Cela s’est fait de manière assez inattendue. Un jour, une collègue que j’avais rencontrée quelques mois auparavant lors d’un stage à l’ENSP m’a téléphoné, elle m’a dit : « Je cherche quelqu’un pour me succéder parce que je prends un poste d’ASI. J’ai pensé à toi et j’en ai parlé au directeur qui voudrait te voir ». Je suis donc allée rencontrer Emile Pérez qui a choisi de me faire confiance. La collègue qui m’a appelée c’est Virginie Perrey qui est aujourd’hui ASI à Londres. A l’époque, elle s’envolait pour Berne. C’est grâce à elle que je suis entrée en 2011 à la DCI devenue la DCIS !

Après 6 ans passés au poste de cheffe du centre de veille opérationnelle, je suis partie 5 ans aux États-Unis à Washington en tant qu’attachée de sécurité intérieure. Cela a été 5 années fascinantes pour beaucoup de raisons aussi bien sur le plan professionnel que personnel.

Les débuts ont été un peu déroutants. Vous vous rendez vite compte que vous êtes ASI dans un pays-continent. C’est assez vertigineux. ll y 18 000 polices aux Etats-Unis. Lorsque vous arrivez en tant qu’attachée de sécurité intérieure à Washington, vous avez donc potentiellement 18 000 interlocuteurs. Vous comprenez rapidement que tout ne va pas être possible et vous devez vous concentrer sur la relation avec les agences fédérales et les grandes polices locales, en particulier la police de New York et la police de Los Angeles qui sont nos grands partenaires.

Les États-Unis sont un laboratoire exceptionnel dans le domaine de la sécurité. Beaucoup de choses se font en matière de méthodes et d’organisation, beaucoup d’innovations technologiques voient le jour. Cela peut être très inspirant même si tout n’est pas bon à prendre, tout n’est pas adaptable en France, tout n’est pas exportable. J’en suis revenue avec un regard neuf. Je crois que lorsqu’on a été ASI, on ne fait plus jamais son métier comme avant. On met certainement les choses plus en perspective, on interroge davantage sa pratique professionnelle, on se compare et on se rassure aussi.

Un superbe parcours ! Dernière question : quelles sont vos autres passions ?

Je suis bibliophile et bibliovore, je lis beaucoup. Je suis attachée aux beaux textes, à la poésie, aux mots. J’aime les livres, ce qu’ils transmettent. J’aime aussi l’objet, l’odeur du papier et de l’encre. Je n’imagine pas investir dans une liseuse même si je n’en conteste pas le côté pratique, surtout lorsque l’on voyage ! Je suis particulièrement sensible au mouvement surréaliste et à ses expressions en littérature et dans la peinture : j’aime Paul Éluard, René Char mais aussi René Magritte ou Joan Miró. J’aime aussi le street art. En la matière, mon expérience américaine m’a comblée. Je manque de temps aujourd’hui mais j’ai longtemps fait du théâtre et j’ai envie de goûter de nouveau aux joies du théâtre d’improvisation.

Je fais du sport et j’aime passer du temps avec ma famille et mes amis. La convivialité est quelque chose de très important pour moi. J’aime rassembler, créer des moments, créer des souvenirs, du lien.

 

Un remerciement Valentine pour l’entretien très riche d’informations, le partage de sujets sérieux et aussi de moments de détente, je pense à l’attachement aux beaux textes et aux joies du théâtre d’improvisation !

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