Interview de Maud Cerclé-Fraval, chargée de mission politique de la sécurité du quotidien et membre de l’équipe du projet Beauvau de la sécurité

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Le 29 mars 2021 – Miss Konfidentielle est honorée de vous présenter Maud Cerclé-Fraval, chargée de mission politique de la sécurité du quotidien et membre de l’équipe du projet Beauvau de la sécurité. Comment vous décrire Maud Cerclé-Fraval si ce n’est en déployant les plus belles qualités et valeurs appréciables tant sur le plan professionnel que personnel. Il y a des femmes qui ne s’oublient pas… et qui méritent amplement une pleine lumière.   

Bonjour Maud,

Quelles sont vos origines …

Je suis née à Nantes, dans la cité des ducs de Bretagne, une ville dynamique et proche de la mer.

Je suis en même temps très attachée à la Bretagne. Une partie de ma famille est originaire du Finistère Nord et certains membres y résident encore. C’est avec plaisir que j’y retourne régulièrement. Les paysages sont exceptionnels à chaque saison, le patrimoine riche et diversifié et la gastronomie unique. Chaque séjour sur la côte des Abers est pour moi l’occasion de me ressourcer en famille.

Je suis la fille d’un officier de l’armée de terre et d’une mère analyste programmeur chez IBM, qui était dans les années 80 à la pointe de l’informatique.
Les récits de mon père étaient passionnants. En l’écoutant, j’ai souhaité rejoindre le métier des armes.

Cohésion, esprit de camaraderie, don de soi, engagement, métier opérationnel… les caractéristiques du statut militaire me plaisaient beaucoup !

Mon père connaissait les difficultés pour les femmes à faire carrière au sein de l’armée de terre. Pour autant, malgré ses recommandations, convaincue que je faisais le bon choix, j’ai décidé de m’engager.

Je vous avoue que j’ai tout de même hésité un moment à embrasser la Marine nationale, passionnée par la voile. Je vous en parlerai plus tard (sourire).

Puis vos formations.

Je suis diplômée en droit de l’Universalité de Nantes et d’un master en droit européen et relations internationales que j’ai obtenu à l’Université de Lille.

Votre parcours professionnel est très riche. Racontez-nous

Pour confirmer mon choix initial de rejoindre l’armée de terre, je me suis engagée dans la réserve opérationnelle, au 2ème régiment de Dragons de Fontevraud [1] en qualité d’homme du rang. Diplômée d’une licence en droit, j’ai ensuite effectué une formation au 4ème bataillon de Saint-Cyr pour devenir officier de réserve avant de m’engager comme aspirant au 22ème bataillon d’infanterie de marine (BIMa) [2] de Nantes comme officier-juriste.

Si vous vous interrogez sur la possibilité de vous engager en gendarmerie ou dans les armées, alors vous avez déjà fait la moitié du chemin. N’hésitez pas à franchir les portes d’une brigade, d’un centre d’information et de recrutement ou consulter internet. Mais attention, essayer, c’est l’adopter !

C’est à l’occasion de cette affectation que j’ai découvert la gendarmerie nationale et que je me suis préparée au concours, certaine de choisir le métier des armes par mes propres expériences et non plus par les récits de mon père.

A l’issue de ma formation à l’Ecole des officiers de la gendarmerie nationale, j’ai choisi de rejoindre la gendarmerie mobile dont les missions se rapprochent le plus de celles de l’armée de terre qui était ma référence. J’ai commandé le peloton d’intervention de l’escadron de Dreux pendant 4 ans. J’ai été engagée sur des maintiens de l’ordre complexes sur le territoire national (sécurisation du déplacement du Dalaï-Lama) ou en Outre-mer (lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane, déplacement présidentiel à Mayotte, lutte contre la délinquance à Canala en Nouvelle-Calédonie). Durant cette première expérience opérationnelle, j’ai beaucoup appris avec toujours la même envie de me dépasser, d’aller encore plus loin et de servir la gendarmerie nationale.

Ensuite, j’ai intégré l’équipe du général Richard Lizurey, alors Conseiller gendarmerie au cabinet de Claude Guéant, ministre de l’Intérieur.

J’étais notamment chargée des déplacements du Ministre qui concernaient la gendarmerie, des réponses aux élus, des questions budgétaires, des recours devant la commission des recours des militaires, etc. Je qualifierai cette affectation d’une grande richesse et d’une intensité incroyable. Moi qui apprécie les challenges et aime dépasser mes limites, j’ai été comblée ! Et, je mesure la chance que j’ai eu de travailler directement avec le général Richard Lizurey, le général Denis Favier et le général Christian Rodriguez et ainsi que d’autres personnalités extraordinaires.

© Maud Cerclé-Fraval en 2016 à Châteaudun

En 2015, j’ai rejoint la compagnie de gendarmerie départementale de Châteaudun pour en prendre son commandement l’année suivante. Cette expérience départementale a été une révélation sur le cœur du métier de gendarme et sur la qualité des membres qui la composent.

Durant quatre années, j’ai œuvré au quotidien avec un adjoint, 5 commandants d’unité, des gradés mais aussi chacun des gendarmes et GAV de la compagnie à élaborer et mettre en pratique une politique publique de sécurité concrète pour réduire la délinquance sur un territoire à forts enjeux.

Parmi ce temps de commandement, où l’on ne compte pas ses heures, une opération m’a beaucoup marquée comme l’ensemble de la compagnie. Il s’agissait d’un forcené, auteur de violences intrafamiliales qui a tiré plus de 40 fois sur les positions de mon dispositif avant de blesser un gradé du PSIG.

La gendarmerie départementale est le réceptacle de l’explosion de la violence au sein de la société. Les femmes et les hommes qui la composent traitent en bout de chaine la misère sociale avec beaucoup d’empathie et d’abnégation. N’oublions pas que nos missions en proximité sont à la base de notre action. Au contact de la population, c’est notre « marque de fabrique », c’est ce qui nous caractérise pour exercer notre cœur de métier. Cela nous amène à agir en lien avec un sous-préfet, un procureur de la République, des parlementaires et des élus locaux et à entrer en contact avec toute la population, à rencontrer des hommes, des femmes, des enfants, des acteurs économiques, des chefs d’entreprises, des agriculteurs et bien d’autres partenaires.

Pour moi, le passage en compagnie a été une grande fierté et une richesse humaine incroyable aussi bien dans le commandement que dans toutes les actions de proximité de sécurité au service de l’intérêt général. Je conserve d’ailleurs quelques attaches sur le territoire.

Quelques mois plus tard, j’ai rejoint les bancs de l’Ecole de guerre où j’ai pu développer mes connaissances dans le domaine de la défense, quinze ans après l’avoir quittée. J’ai axé ma scolarité sur la planification stratégique, le développement personnel et la capacité à convaincre en participant notamment à la Croisée des mondes sur le thème du don.

Cette carrière n’aurait pas été possible sans le soutien inconditionnel de Romain mon mari et de mes trois enfants qui acceptent malgré eux que je passe plus de temps à protéger la population que de jouer avec eux.

Depuis août 2020, vous êtes chargée de mission politique de la sécurité du quotidien

La politique de sécurité du quotidien, souhaitée par le Président de la République, a été mise en œuvre en 2018. Elle vise à apporter une réponse sur mesure et partenariale aux problématiques de sécurité du quotidien des citoyens (les tapages nocturnes, les rodéos, les occupations de halls d’immeuble, les incivilités, etc.). J’ai d’ailleurs mis en œuvre cette nouvelle stratégie alors que je commandais la compagnie de Châteaudun. Cette nouvelle doctrine offre des réponses pragmatiques et ciblées, voire chirurgicale en confiant une marge de manœuvre indispensable aux échelons locaux.

Etre chargée de cette stratégie au niveau national était dans la continuité de mon engagement local.

La définition des nouveaux quartiers de reconquête républicaine, la diffusion des bonnes pratiques, l’élaboration d’un contrat de sécurité intégrée ont ponctué mes nouvelles missions.

Depuis février 2021, vous êtes membre de l’équipe du projet Beauvau de la sécurité

Annoncé par le président de la République le 8 décembre dernier, le Beauvau de la sécurité est l’occasion de moderniser la politique publique de sécurité au bénéfice des policiers et des gendarmes ainsi que de l’ensemble des Français.

Entre février et mai, tous les lundis sont consacrés à cette large concertation par l’organisation d’un déplacement chaque semaine et d’une table ronde thématique toutes les deux semaines. Pour une plus grande transparence, les tables rondes sont diffusées sur les réseaux sociaux. Les personnalités qualifiées et des élus (députés, sénateurs, élus locaux) enrichissent les débats.

Le président de la République et le Premier ministre participent personnellement aux temps forts du Beauvau de la sécurité, témoignant ainsi de l’importance du sujet et des engagements qui y seront pris dans la continuité du Livre blanc de la sécurité intérieure de 2020. Une loi de programmation de la sécurité intérieure sera rédigée à partir des conclusions de cet événement qui conditionne l’avenir de la police et de la gendarmerie nationales.

Après le lancement officiel, trois tables rondes ont été dédiées au lien police-gendarmerie et population, à l’encadrement puis au recrutement et à la formation. Les prochaines porteront sur les relations avec la justice, le maintien de l’ordre, la captation vidéo, le contrôle interne et les conditions matérielles et de soutien.

La mer, les voyages sont des marqueurs…

Passionnée par la voile, j’ai beaucoup aimé participer à des régates puis des épreuves de Match Racing, une forme particulière de régate sur le modèle de l’America’s cup, parce que les matchs s’enchainent, permettant de connaître leur issu rapidement. J’ai aussi participé au Tour de France à la voile avec un équipage 100% féminin en 2002 sur un Mumm 30. Un souvenir incroyable surtout lors de notre passage au large d’Ouessant !

Mon entrée en gendarmerie ne m’a pas permis de poursuivre les régates et comme me disait justement
le général Richard Lizurey “ La vie est un choix”. J’assume sans regret avoir abandonné ma 62ème place mondiale pour une carrière enrichissante, diversifiée et épanouissante au sein de la gendarmerie.

Aujourd’hui, je prends plaisir à naviguer en famille, en Bretagne, principalement dans la baie de Quiberon où sous spi ou vent de travers, nous partageons les joies de la plaisance.

Aujourd’hui, compte-tenu des choix que j’ai faits, je me suis tournée vers la course à pied avec toujours la même envie de performer. Inscrite pour la première fois au semi-marathon 2020 lors de ma formation à l’Ecole de guerre, j’étais enthousiaste mais les coureurs n’ont pu prendre le départ à cause de la Covid-19.

J’essaie de courir trois fois par semaine et ce temps privilégié permet de se connecter à la nature tout en prenant de la hauteur sur les dossiers en cours.

Au-delà, des activités sportives régulières et occasionnelles que je pratique, j’apprécie beaucoup visiter les musées ou encore assister à des représentations théâtrales. Je lis beaucoup et j’apprécie les histoires avec mes enfants. En ce moment, c’est le Club des 5 ! (sourire)

Et lorsque je repense à mes voyages, mon expérience la plus marquante reste la Nouvelle-Calédonie. Mon mari et moi avons découvert cette destination pendant trois semaines. J’y suis retournée par la suite en tant que gendarme mobile. C’est là que j’ai compris qu’un gendarme ne doit pas regarder un territoire de manière tronquée afin que son appréciation soit la plus éclairée possible.

Une citation aussi me semble t-il.

« Croyez en vos rêves et ils se réaliseront peut-être. Croyez en vous et ils se réaliseront sûrement. » de Martin Luther King.

En regardant en arrière, je suis contente du chemin parcouru, des projets menés, des personnes avec lesquelles j’ai travaillé, que j’ai rencontrées, et celles qui m’ont fait confiance.

Je ne regrette aucun de mes choix et je suis fière de servir notre institution.

Maud Cerclé-Fraval lors du Tour de France à la voile © Maud Cerclé-Fraval

La rigueur est l’une des qualités professionnelles les plus appréciées, signe de professionnalisme et de confiance. Miss Konfidentielle tient à souligner l’exceptionnelle rigueur de Maud Cerclé-Fraval. 

Messieurs, ne dites plus que nous pensons à plusieurs choses en même temps et que de fait nous  manquons de rigueur au sens manque d’exactitude et de logique (Le Robert) pour chacune d’elles. Vous avez l’exemplarité d’une femme qui peut aisément gérer plusieurs sujets en même temps… avec une rigueur parfaite.


Note importante

Il est obligatoire d’obtenir l’autorisation écrite de Valérie Desforges, auteur de l’interview, avant de reproduire tout ou partie de son contenu sur un autre media.
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1 commentaire
  1. VALLE dit

    Rigueur, engagement, ténacité, etc…. bien des mots pourraient être employés pour désigner vos qualités, Commandante ; des mots qui pourraient facilement être remplacés par le suivant : Exemplarité !
    Il résume tous les autres et vous décrit en quelques syllabes !

    Félicitations Commandante Cerclé-Fraval.

    Respectueusement.

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