Interview de Olivier KIM, Commandant des Réserves et Secrétaire Général de la Réserve Citoyenne – Gendarmerie nationale

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14 septembre 2020 – Miss Konfidentielle a interviewé lors d’une belle journée cet été le Général de division Olivier KIM, Commandant des Réserves et Secrétaire Général de la Réserve Citoyenne de Défense et de Sécurité de la Gendarmerie nationale. Authentique, sincère, franc et agréable, il partage avec nous son parcours professionnel et personnel en toute humilité. De tempérament éclectique, son chemin de vie est loin d’être un fleuve tranquille ! Respect.

Bonjour Olivier,

Vous êtes originaire de la Bourgogne, me semble-t-il… ?

Absolument. Je suis né à Chalon-sur-Saône, une commune française située dans le département de Saône-et-Loire au sud de la région Bourgogne-Franche-Comté. C’était en 1965 dans une ville ouvrière. Mon Père était originaire d’Haguenau en Alsace et ma Mère de Louhans dans la plaine de la Bresse en Saône-et-Loire. Je suis extrêmement attaché à la Bourgogne. J’y ai vécu heureux. D’ailleurs, ma famille est encore présente en Bourgogne et j’ai moi-même investi dans cette région pour me reposer quand je suis en permissions.

Vous n’aviez pas de militaire dans la famille. Quel a été votre moteur ?

Je suis rentré sur concours en classe de seconde au lycée militaire d’Autun, en 1980, car mon père me disait que c’était une école sérieuse. Il m’avait indiqué que si cela ne me plaisait pas, il me retirerait, car il ne souhaitait pas que je devienne antimilitariste.

En effet, mon père alsacien est très patriote, natif d’une région profondément marquée par les conflits avec l’Allemagne. Il avait un profond attachement pour le Général Charles de Gaulle, au point d’avoir fait l’école buissonnière après la Guerre pour se joindre à la foule lors d’une visite officielle de l’Homme de l’appel du 18 juin. Sa participation à la guerre d’Algérie l’avait également marqué au point qu’il avait pensé à s’engager.

Au lycée militaire d’Autun, placé sous les ordres du lieutenant-colonel d’Aviau de Ternay, qui a été un modèle pour nous autres, enfants de troupe, tout se passait bien. J’appréciais l’enseignement, je jouais au rugby dans l’équipe de la ville et au bout de mon année de seconde, j’ai reçu un prix d’excellence pour mes résultats scolaires. Mes Parents, présents à la remise des prix de fin d’année, étaient fiers et m’ont demandé ce que je comptais faire. J’ai répondu : « Je reste ! ».  Un de mes camarades de chambrée, Pierre, m’a prêté le livre G.I.G.N. : mission impossible: Les exploits des gendarmes anti-terroristes, de Jean-Claude Bourret.  Il m’a dit « Tiens, toi qui veux être dans les forces de l’ordre, lis ça ». En le lisant en une soirée, ça a été un déclic : ma vocation est née à 15 ans. Je voulais devenir un « super–gendarme » comme les journalistes les appelaient.

J’ai effectué ma scolarité de la seconde à la terminale puis la prépa à Saint-Cyr option Lettres à Autun. J’ai intégré l’École Spéciale Militaire de Saint Cyr en 1985 au sein de la promotion des Cadets de la France Libre. Le commandant de bataillon était le chef de bataillon Jean-Louis Georgelin qui deviendra général d’armée, chef d’état-major des Armées et Grand Chancelier de la Légion d’Honneur. Avec mes camarades de Promotion, par son charisme, il a marqué notre jeunesse à Saint-Cyr et fait de nous, des chefs.

Diplômé de l’ESM à Saint-Cyr, quelles formations suivez-vous ensuite ?

En 1988, j’obtiens le diplôme de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr qui était l’équivalent d’une maîtrise en relations internationales. Mon classement me permet de choisir la gendarmerie et j’intègre aussitôt l’EOGN – École des officiers de la Gendarmerie nationale, à Melun. J’y apprends mon métier de gendarme. Je suis très heureux, je pratique presque 10 heures par semaine le Tai Ji Tsu, sous la férule de notre maître l’adjudant-chef  Charlie Hardy avec un ami qui rejoindra l’Escadron Parachutiste d’Intervention de la Gendarmerie Nationale (EPIGN), le lieutenant Daniel Strub, malheureusement décédé en 2013. Un autre camarade le lieutenant Jacky Le Pemp et moi-même, sommes contactés par les cadres de l’EOGN en fin de cours pour rejoindre un escadron, celui de la Réole (33) qui devait partir en mission pour protéger l’ambassade de France au Liban. Comme je voulais rapidement me confronter à de l’opérationnel, c’est l’escadron que j’ai choisi !

Plus tard, j’ai suivi des formations complémentaires. En 2000-2001, l’École de guerre. Je suis breveté de l’enseignement militaire supérieur. En même temps, j’ai soutenu un mémoire de Diplôme d’Études Approfondies, en stratégie à l’École Pratique des Hautes Études sous la direction du grand historien M. Hervé Coutau-Begarie, intitulé « terrorisme et contre-terrorisme aériens ». Bien plus tard, en 2010-2011, j’ai été auditeur, de la 60e session du Centre des Hautes Études Militaires (CHEM) et la 63e session Politique de Défense à l’Institut des Hautes Études de la Défense Nationale (IHEDN).

Venons à votre carrière à la Gendarmerie nationale

J’ai donc commencé comme commandant de peloton de la gendarmerie mobile sur véhicules blindés à roues de la gendarmerie, les VBRG « bleus » qui ont, pour mémoire, été positionnés lors des manifestations violentes de 2018 et de 2019, en France. J’ai été affecté en 1989 lors de la première crise qu’a connue la gendarmerie nationale. Les prévisions de déplacements de la gendarmerie mobile furent annulées donc mon escadron n’était plus planifié pour le Liban (Beyrouth); il devait partir en remplacement, en Guyane, ce fut également annulé. Je pars finalement seul à Montluçon puis avec mon unité à la Courtine pour encadrer des stages et des examens de gradés supérieurs de gendarmerie mobile… J’ai quand même participé à quelques services d’ordre et quelques opérations de maintien de l’ordre en province. Mais ma soif d’opérationnel n’était pas vraiment assouvie; je me préparais avec beaucoup de sérieux et de volonté aux tests d’entrée au GIGN, encouragé par les maréchaux des logis chefs Tomasso alias Tom et Guy Zanella alias Zaza.

En qualité de chef d’un peloton VBRG, à Saint Astier lors de l’encadrement d’un stage de l’EOGN, je croise l’instructeur sport de l’EOGN le lieutenant Bruno Lagadec qui est blessé (nez cassé et oreille coupée) car il vient de passer les tests du GIGN. Il est accompagné du capitaine Benoit Kandel. Je leur indique que mon rêve de toujours est de postuler pour cette unité. Ils me disent de croire en moi, de croire en mes chances et de candidater sans délais.

C’était en 1990, j’ai bien fait d’avoir suivi leurs conseils. J’ai passé les tests organisés par des hommes extraordinaires : Guy G, Alain P, Eric M, Philippe L, Michel C, Philippe B, Pierre B, et Jacques G. J’ai été sélectionné et j’ai intégré en même temps qu’un camarade issu d’une promotion Saint-Cyr avant la mienne, le lieutenant Eric Gérard, qui aujourd’hui est ambassadeur. J’ai franchi avec lui, dix ans après la promesse que je m’étais faite en seconde à Autun, les grilles vertes de la caserne Pasquier, la caserne du GIGN. Elle porte le nom du premier gendarme de l’unité d’élite, décédé lors d’un entraînement. J’étais à la fois impressionné, et à la fois rempli d’humilité face à ce monument opérationnel et fier d’avoir passé la barre des tests. J’étais surtout très heureux de côtoyer et de partir enfin en opérations avec les officiers et les sous-officiers que j’admirais depuis toujours, qui font que cette unité est à nulle autre pareille.

Le préfet Christian Prouteau, créateur du GIGN, a toujours indiqué dans ses discours lorsqu’il commandait l’Unité ou lors des remises de brevets « Un Chef n’est rien sans ses Hommes ». J’ai toujours tenu compte de cet art de commander et de cette humilité nécessaire dans l’exercice de mes différents commandements.

Ma vie au GIGN, sous les ordres du chef d’escadron Lionel Chesneau, secondé par le capitaine Thierry Orosco, puis du chef d’escadron Denis Favier (qui deviendra DGGN de 2013 à 2016), a été bien remplie avec de multiples entraînements individuels et collectifs, les sauts en chute opérationnelle sur des plateformes en France et à l’étranger, les exercices toujours plus réalistes et surtout la participation à une centaine d’opérations anti-criminelles et antiterroristes. Certaines opérations de prise d’otages ou de maîtrise de forcenés m’ont durablement marqué. La sécurisation en 1992 des JO d’hiver d’Albertville et celle des Jeux méditerranéens en 1993 à Montpellier ont été aussi des expériences intéressantes en termes de préparation et d’exécution.

Un exemple marquant. La prise d’otages du vol 8969 Air France, vol de la compagnie nationale reliant Alger à Paris, par quatre membres du Groupe Islamique Armé (GIA) à l’aéroport de Marseille Marignane (du 24 au 26 décembre 1994) m’a marqué pour ma vie d’Homme et de gendarme comme tous les membres du GIGN qui ont participé à l’assaut ce jour-là.

En 1995, je quitte le GIGN après cinq années riches et très denses pour rejoindre Salon-de-Provence (13), près de Marseille. Je suis sous les ordres du lieutenant-colonel Bernard Mottier, commandant le groupement des Bouches du Rhône (devenu général de corps d’armée, chef et créateur de l’IGGN) qui m’a guidé dans le commandement et la gestion d’une compagnie de 130 gendarmes. J’ai mis mon expérience du GIGN au service de la gendarmerie départementale.
Chaque année, mes gendarmes constataient entre 5500 à 6000 crimes et délits. J’avais fait de la lutte contre les trafics de stupéfiants, une de mes priorités. Travailler sur ce sujet m’a même valu des menaces de mort proférées par un truand devant le siège de ma compagnie !
En 1995 et 1996, à partir de la découverte d’un ticket restaurant falsifié, deux enquêteurs de la brigade des recherches, l’adjudant Jean José C. et le maréchal des logis chef Alain A. ont même permis à la compagnie que je dirigeais d’interpeller « Les pillards de la route », qui, depuis des mois, braquaient et vidaient les camions de fret sur l’autoroute entre Avignon et Marseille.
Au contact des gendarmes départementaux, j’ai beaucoup appris en police judiciaire. Dans la région à l’époque, il y avait très régulièrement des usages des armes sévères. C’était une autre époque.

En 1998, je rejoins à Paris le COS à Taverny (95) – Commandement des opérations spéciales – un état-major interarmées qui regroupe l’ensemble des forces spéciales de l’Armée Française sous une même autorité opérationnelle, en tant que conseiller gendarmerie du général, commandant les opérations spéciales, le G.COS : feu le général de division aérienne Jacques Saleün puis le général de division André Ranson. Deux années très intéressantes avec notamment la traque de criminels de guerre en ex-Yougoslavie et de nombreuses coopérations avec les forces spéciales de différents pays. Je termine mon séjour au COS avec l’école de guerre en poche et un séjour OPEX comme adjoint du détachement du COS au Kosovo à Mitroviça.

C’est en 2001, après mon stage au sein de la 8e promotion du Collège Interarmées de Défense (CID), que je suis nommé adjoint au chef du bureau Défense de la Direction Générale de la Gendarmerie nationale. Ce bureau est dirigé à ce moment-là par le colonel devenu général de division, Bertrand Cavallier, grand spécialiste de la sécurité publique et du maintien de l’ordre. Ce dernier me demande alors de travailler, eu égard à mon vécu, sur le concept et la doctrine en matière d’antiterrorisme et de monter une section spécifique. Un de mes camarades de bureau avait déjà en charge deux dossiers portant sur la prévôté et l’autre sur la réserve opérationnelle… C’est aussi à cette période que, fort de l’expérience de Marignane, j’élabore une réflexion sur le contre-terrorisme aérien et œuvre aux côtés du GIGN sur le concept de Sky-Marshals : des agents de sûreté, discrets, embarqués, armés et chargés d’assurer la sûreté des passagers et de l’équipage à bord des avions contre le passager indiscipliné ou au pire, à un ou plusieurs terroristes.

En 2003, je suis affecté au service des opérations et de l’emploi en pleine réforme voulue par les deux DGGN successifs, le Préfet Pierre Mutz et le général d’armée Guy Parayre. La direction des opérations et de l’emploi est placée sous les ordres du général de corps d’armée Gérard Rémy, également un ancien de l’EPIGN. Au sein de cette direction, je crée et dirige, au sein de la caserne Napoléon (Paris-IVe), le Bureau de la lutte antiterroriste (B.LAT) de la sous-direction de la police judiciaire. Une mission là-aussi passionnante et très engageante : centralisation des renseignements d’intérêt antiterroriste captés par la gendarmerie et échanges avec l’ensemble des acteurs interministériels de ce domaine très particulier; coordination des enquêtes judiciaires antiterroristes (nous avons financé jusqu’à 25 cellules d’enquête). Études sur les manières d’opérer, les nouvelles formes de terrorisme, etc. Le B.LAT est toujours actif en 2020.

Puis en 2006, je pars à Annecy en Haute-Savoie, je suis promu Colonel. Je succède à un ami, le colonel Christian Rodriguez (devenu général d’armée et notre actuel directeur général). Je prends le commandement du groupement de la gendarmerie départementale. Une expérience passionnante avec une grosse criminalité, le département étant riche et frontalier. Je sers sous les ordres des généraux de corps d’armée Christian Brachet et Jacques Grandchamp, commandants de la région-zone de gendarmerie Rhône Alpes. La Haute-Savoie est un département très attachant avec ses 1000 gendarmes. Les compagnies sont solides et structurées et deux PGHM performants. Le rythme des opérations était très élevé. Mes responsabilités : commandement  opérationnel, gestion des ressources humaines et soutien-finances, la coordination d’enquêtes et d’opérations lors de catastrophes ferroviaires et routières, lors de secours en montagne, et la mise en place de dispositifs de protection lors des visites ministérielles et présidentielles. C’est un beau commandement car il reste à hauteur d’hommes.

Je remonte sur Paris en 2010, j’ai la chance et l’honneur d’être désigné comme auditeur au Centre des Hautes Études Militaires (CHEM) à l’Ecole militaire. J’ai partagé cette année de réflexion avec une trentaine de colonels et de capitaines de vaisseaux des différentes armées et services. Une année riche en enseignements de haute valeur intellectuelle, d’échanges interarmées avec le CHEM et, à l’IHEDN, d’échanges avec la société civile composée de personnalités aux parcours variés.

En 2011, je suis parti en Afghanistan relever à Kaboul un autre ami, ancien de la Corniche Mac Mahon du Lycée Militaire d’Autun, le colonel Régis Barou, en tant que conseiller auprès d’une légende de l’armée afghane, le général Paikan Zamary, chef de l’ANCOP – Afghan Civil Order Police (15 000 hommes), nommé général par le Commandant Ahmad Shah Massoud.  Pour transformer l’ANCOP, en force de gendarmerie, j’étais immergé chez les Afghans et engerbé dans un état-major américain à qui je rendais des comptes. Au bout de 5 mois, en plus du poste de conseiller, le général de brigade (US) Kelly Thomas m’a  désigné directeur de programme de l’ANCOP, en charge de la gestion de programmes financés par des fonds américains (sous le contrôle, bien sûr, d’une représentante du Trésor US) avec la conduite de 3 programmes majeurs : création d’un centre d’entraînement du type de celui de notre gendarmerie mobile à Saint-Astier, mise en place des équipements de maintien d’ordre et dotation individuelle de jumelles de vision nocturnes.
Je suis parti en Afghanistan à 46 ans et je n’ai pu travailler sur la zone française que vers la fin de mon séjour. En effet, pour rendre visite à ses unités et coordonner les opérations, le général Paikan Zamary m’a fait faire le tour de l’Afghanistan, la plupart du temps en véhicule… Un souvenir inoubliable, vraiment. J’ai appris la patience chez les afghans. « Vous avez la montre, nous avons le temps » comme ils disent. J’ai appris aussi quelques notions de dari pour mieux échanger avec Paikan Zamary, à étudier la culture afghane, les tapis pour mieux comprendre la mosaïque des peuples, des ethnies, la géographie, les traditions de ce pays magnifique.
Le théâtre afghan m’a beaucoup marqué. J’y ai retrouvé l’attachement et l’affection de cette contrée lointaine que m’avaient communiqués deux Amis, feu Christophe de Ponfilly, grand reporter et Michel Bernard, ancien opérationnel du GIGN avec qui j’ai partagé un bout de route dans cette unité. Au cours de cette mission de 13 mois, j’ai restitué beaucoup de savoir-faire acquis au cours de ma carrière et j’ai aussi beaucoup appris sur les autres et sur moi-même…

En 2012, à mon retour en France, je suis désigné par le général d’armée Jacques Mignaux, DGGN, comme commandant de la gendarmerie prévôtale.
Création du commandement, mise en place de l’état-major à la Caserne de Paris-Minimes (Paris-IIIe), des processus de sélection et de formation des gendarmes qui partent en mission prévôtale, coordination des enquêtes judiciaires de la gendarmerie prévôtale, coordination des 16 détachements prévôtaux accompagnant l’Armée Française en opérations ou présents aux côtés des forces françaises stationnées à l’étranger… Tout autant de conférences, de pédagogie et de connaissances des uns et des autres qui ont permis à la prévôté d’avancer aux côtés de nos camarades des forces armées et de retisser des liens forts entre la gendarmerie et les Armées.
J’ai géré avec les prévôts des enquêtes complexes qui exigeaient de faire la part des choses, en étroite collaboration avec les institutions locales, les forces françaises et les magistrats spécialisés du TGI de Paris. C’était un travail passionnant à la frontière de trois mondes : le dispositif de puissance français, l’institution judiciaire et la diplomatie de notre Pays.

En 2015 : prise de fonctions de Commandant de la région de gendarmerie Bourgogne-Franche-Comté et du groupement de gendarmerie de la Côte-d’Or à Dijon. Un retour agréable dans ma région que j’avais quittée en 1985 en intégrant Saint-Cyr.
J’ai dirigé les opérations liées l’état d’urgence décrété après les attentats de Paris en 2015 et les mesures liées aux attentats de Nice notamment en 2016. J’ai été, avec le colonel Bertrand François qui m’avait succédé en Haute-Savoie et désigné comme commandant d’École, un des artisans de la première heure de la création en moins d’un an d’une école de gendarmerie sur l’ancienne base aérienne 102 de Dijon. Avec l’appui de mon état-major, j’ai commandé et géré en termes de ressources humaines les 2 500 gendarmes de la Région, suivi les programmes immobiliers… Trois années extraordinaires. C’était le second groupement de gendarmerie que je commandais. C’est un commandement de plein exercice avec tous les leviers décisionnels (opérations, RH et soutiens finances). La Bourgogne est encore plus belle que je ne le pensais. Les terroirs, le patrimoine, l’Histoire des ducs de Bourgogne, les climats de Bourgogne inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO… J’utilisais souvent  une image qui prolongeait une réflexion du juge antiterroriste Gilbert Thiel qui disait « qu’une police coupée de ses racines, n’était pas une police efficace». J’indiquais souvent en conférence ou en briefing « Un gendarme est comme la vigne. Ancré dans les terroirs et climats, il va chercher du renseignement comme la vigne va au plus profond des couches argilo-calcaires chercher des sels minéraux qui font la typicité du vin ».

En août 2018, vous êtes nommé Commandant des Réserves et Secrétaire Général de la Réserve Citoyenne de Défense et de Sécurité.

    –   Que cela signifie-t-il ?

Je suis désigné pour ce poste par un officier général avec qui j’ai partagé des séances de sports de combat alors qu’il était cadre à l’EOGN en 1988 : le général d’armée Richard Lizurey, devenu entre-temps, notre DGGN. Il me demande de transformer le CRG en un véritable commandement. En effet, la gendarmerie compte 30 000 réservistes opérationnels de niveau 1 (RO1). Ce sont des hommes et des femmes qui pour 75 % d’entre eux ont une activité professionnelle ou étudiante qui veulent s’engager durant leurs disponibilités au profit de la sécurité de leurs concitoyens. Les 25% restant sont des anciens gendarmes. Vous imaginez la richesse de ces hommes et de ces femmes. Les côtoyer amène une fraîcheur et une ouverture d’esprit extrêmement enrichissantes.
Nous disposons également de la réserve citoyenne de défense et de sécurité (RCDS) qui compte 1 500 personnes qui ont émis le désir de participer, là où ils se trouvent, à la valorisation du lien armée-nation et à des groupes de réflexion pour enrichir la gendarmerie de leur expérience.
150 réservistes opérationnels dits « spécialistes » (RO1-S) apportent une expertise rare à l’Institution.
Et enfin, 35 000 réservistes opérationnels de niveau 2 (RO2), constitués des gendarmes retraités, officiers et sous-officiers qui doivent rester disponibles 5 années après leur départ, permettent à l’État de disposer, en cas de troubles graves et généralisés, sur rappel ministériel, d’un réservoir de force important.
Mon travail au quotidien, avec mes équipes, consiste à permettre, en terme opérationnel, de RH, de soutiens, de finances, etc., à ces réservistes de pouvoir renforcer les commandements opérationnels de la gendarmerie avec le plus de fluidité et de facilité possible.
Nous alimentons quatre réseaux sociaux ouverts à tous : FB @ReserveGie – Twitter @ReserveGie – LinkedIn @crg-gendarmerie – Instagram @reserves_gendarmerie_officiel

    –   Quelles sont vos réussites ?

Je parlerai des réussites de l’ensemble de l’équipe du CRG. A mon arrivée, nous avons d’abord effectué un travail de fond pour donner des bases juridiques et réglementaires à notre action. Nous avons développé des outils de communication pour valoriser l’action de nos réservistes. Winston CHURCHILL disait « être réserviste, c’est être deux fois citoyen ». Ils méritent notre estime et notre engagement.
Nous avons participé à la montée en puissance de dispositifs d’ampleur : lutte contre les traversées clandestines de migrants dans la Manche, appui à la réouverture des bureaux de Poste durant le confinement, etc. Notre action se situe toujours en appui des échelons territoriaux de commandement, zonaux et régionaux.

    –   Des actualités ?

Ce que je fais actuellement me passionne.
La période d’été est un temps fort pour les réserves. Les réservistes sont déployés dans les détachements estivaux de protection de la population (DEPP). Cette année a été très particulière avec un « tourisme local et métropolitain » renforcé.
Le Tour de France est également un temps fort de la rentrée.
A moyen/long terme, nous anticipons la coupe du monde de rugby 2023 et les JO de Paris 2024. Le besoin en forces de l’ordre et en réservistes sera important et nous préparons la réserve à ces enjeux.
Le service national universel (SNU) est également un enjeu structurant pour la Nation, celui de renforcer les liens entre les forces de l’ordre et une jeunesse qui peut parfois s’en éloigner. Les réserves de la gendarmerie sont présentes dans les 3 phases de ce dispositif et sont parfaitement légitimes dans la mesure où elles sont la représentation même de ce lien armée-Nation.

Vos expériences vous ont conduit à publier des ouvrages. Souhaitez-vous en parler ?

J’aime écrire et j’ai toujours essayé de prolonger l’action par la réflexion. Henri Bergson  disait : « Il faut agir en homme de pensée et penser en homme d’action ». J’ai rédigé  des articles sur des thématiques très variées (sur la gendarmerie dans la lutte antiterroriste, sur les menaces NRBC, sur la coopération européenne dans la lutte antiterroriste, sur la création d’une gendarmerie afghane, sur la gendarmerie prévôtale et police judiciaire en OPEX, et sur  la judiciarisation du champ de bataille)  dans plusieurs revues spécialisées : le Ramsès, la Revue de la Gendarmerie, la revue de la Défense Nationale et la revue Politique Etrangère. Je me suis livré à une réflexion sur des sujets visant à promouvoir les missions de la gendarmerie, ses atouts pour les exécuter sans cacher les difficultés auxquels les gendarmes sont confrontés.

Comment avez-vous concilié vie militaire et vie familiale ?

Je crois que cela s’est plutôt bien passé.
Je suis marié depuis 32 années et j’ai quatre enfants.
Après avoir exercé de multiples métiers liés à mes mutations régulières, mon épouse travaille dans une grande entreprise française.
A l’époque à Annecy, qui est aussi un pays de Cocagne, comme beaucoup de régions de France, mes enfants voulaient rester. Ils se sentaient bien. Ils m’ont demandé si je pouvais refuser ma mutation. Je leur ai indiqué que les choses ne se posaient pas en ces termes. Pour autant, ils ont accepté de me suivre.
Aujourd’hui, ils sont grands et persuadés qu’avoir bougé en France, à Paris et en régions, leur a permis d’avoir une grande ouverture d’esprit et surtout quand on arrive quelque part, il faut aller vers l’Autre. L’aînée est orthophoniste, le second est cavalier à la garde républicaine. La troisième est en Droit. Le quatrième est en classes préparatoires à Saint-Cyr.

J’ai monté des équipes de rugby dans toutes les unités où je suis passé (La Réole, au GIGN, à Salon de Provence, j’ai recréé en 2001 celle de l’École de Guerre à Paris, j’ai joué à Annecy, à Paris, en Angleterre..) et j’ai pratiqué jusqu’à l’âge de 50 ans. J’ai entraîné des enfants, des jeunes au rugby en passant des diplômes d’éducateur fédéral. Mes deux fils et l’une de mes filles ont joué. Ce sont beaucoup de bons souvenirs !

Le rugby est un sport de combat collectif et on apprend le sens du partage et de l’effort. On doit partager les bons moments comme les moments difficiles ensemble. On doit rester soudés. Collectivement, on est plus fort. Jean-Pierre Rives disait « Le rugby, c’est 15 hommes qui en affrontent 15 autres en se disputant un ballon ovale. A la fin de la partie, on retire le ballon, ils restent les Hommes…». C’est une belle leçon de vie que nous livre l’ancien capitaine et troisième ligne aile du XV de France, devenue une légende de l’Ovalie.
Dans tous mes commandements j’ai utilisé ce sens du collectif, ce qui m’a permis d’atteindre les objectifs qui m’étaient fixés parce que les hommes et les femmes dont j’avais la charge m’ont suivi en ayant envie de le faire. J’explique le sens de l’action, ils s’en imprègnent pendant les séminaires, par exemple. Cela permet d’obtenir une cohésion et d’aller dans le même sens.

Faire du sport permet de voir les choses de manière positive. J’aime nager, marcher, skier, faire du vélo et tirer au pistolet et au revolver.
Voyager aussi, c’est une passion. J’ai beaucoup appris de mes voyages en rencontrant des personnes au bout du monde, en prenant des photographies à cette occasion. J’en ai fait une grande quantité en Afghanistan. Dans tous les pays où les missions m’ont emmené, Asie, 
Proche et Moyen Orient, Afrique… Cela a été un enchantement. En Mauritanie, en allant, avec le chef du détachement prévôtal du Sénégal, le lieutenant-colonel Nicolas Le Guyader et le capitaine Camara de la gendarmerie mauritanienne, rendre visite à une brigade de gendarmerie de ce beau Pays, nous sommes tombés entre Atar et Chinguetti sur les ruines d’un Fort Saganne construit pour les besoins du film et nous avons découvert presque par hasard les peintures rupestres qu’avait découvertes quelques années avant, le naturaliste et explorateur, Théodore Monod. Ce sont autant de carnets de voyages en ce sens qui traduisent à la fois le voyage extérieur et, celui plus profond, de l’intérieur.

J’aime la littérature, les belles citations.

J’aime aussi la moto, les vins de Bourgogne (avec modération), à découvrir en famille et avec les amis ou encore bricoler, j’ai restauré une maison pendant dix ans sur la Terre des Ducs…

Je dirais que je suis plutôt quelqu’un d’éclectique, je m’intéresse à tout.

Une conclusion avant de nous quitter ?

Oui, avec plaisir. Je voulais dire que j’ai beaucoup appris au contact de mes Chefs successifs et au contact des Hommes et des Femmes dont j’ai eu la charge.

Enfin, j’aimerais évoquer une anecdote. Je suis retourné présider une cérémonie de fin d’année au lycée militaire d’Autun, 32 ans après l’avoir quitté. C’était en juin 2017. Cela m’a beaucoup marqué. En passant sous le porche qui conduit au cloître de cet ancien séminaire, j’ai eu ce sentiment profond en levant les yeux vers le fronton où est inscrite la devise de l’École « Pour la Patrie, toujours présent », que celle-ci ne m’avait jamais quitté !


Miss Konfidentielle vous invite à lire les ouvrages rédigés par Olivier KIM suivants :

Olivier Kim, La gendarmerie dans la lutte antiterroriste – Revue de la gendarmerie nationale [archive], n° 204, DICOD,Paris, octobre 2002, pages 21-27

Olivier Kim, Les menaces NRBC – Revue de la gendarmerie nationale [archive], n° 205, DICOD,Paris, décembre 2002, pages 29-35

Olivier Kim, Lutte antiterroriste – renfort et coopération – RAMSES Les grandes tendances 2004 [archive] – IFRI, Paris, Editions DUNOD, 2003, pages 304-305

Olivier Kim, La coopération européenne dans la lutte antiterroriste – Revue de la gendarmerie nationale [archive], n° 215, DICOD,Paris, juin 2005, pages 55-65

Olivier Kim, Vers une gendarmerie afghane [archive] – Revue Défense Nationale, n° 769, Paris, avril 2014, pages 51-63

Olivier Kim, Gendarmerie prévôtale et police judiciaire en OPEX [archive] – Revue de la gendarmerie nationale [archive], n° 250, Centre de recherche de l’école des officiers de la gendarmerie nationale [archive], Melun, septembre 2014, pages 41-48

1 commentaire
  1. VENEL dit

    un garçon (un de mes jeunes !….) que je connais depuis bien longtemps qui reste toujours égal à lui-même
    après un parcours professionnel aussi éclectique que brillant !

    un chic type qui a toujours fait honneur à la “boite”!

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